Ne pas remplacer un mal par un autre

20/12/2011
Article

Malgré les tentatives de rationalisation et les appels à la ri-gueur, l’usage des antibiotiques reste intensif, même en milieu hospitalier mais pas seulement. Il faut bien se rendre compte que les occasions ou véritables indications de la prescription d’agents antibactériens sont nombreuses. Il en va ainsi de l’éradication d’Hélicobacter pylori, dont on sait qu’il accroît le risque d’ulcère gastrique et même de cancer de l’estomac. Les guidelines de gastro-entérologie recommandent donc des traitements par antibiotiques et inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) associés et on peut difficilement dire que cela n’est pas justifié. Mais même dans ce cas, la prescription d’antibiotiques n’échappe pas aux risques qui lui sont inhérents, à savoir ceux de diarrhée post-antibiothérapie et de colite pseudo-membraneuse due à Clostridium difficile (Cd). Et il ne faut pas négliger cette dernière éventualité, car on s’aperçoit aujourd’hui que ce triste Clostridium, considéré il y a peu de temps encore comme un germe essentiellement hospitalier, est en train de sortir de l’hôpital et se retrouve de plus en plus souvent en communauté. Or, l’infection due à ce germe est très contagieuse.

Trois types d’infection

King et Lager (USA) viennent encore de publier très récemment une méta-analyse à ce sujet. On objectera peut-être qu’il s’agit des Etats-Unis et non de l’Europe mais s’il existe effectivement des différences épidémiologiques entre les deux continents, voire entre pays européens, ces différences se marquent au niveau des maladies infectieuses courantes. L’épidémiologie de la contamination à Helicobacter pylori (Hp) est importante des deux côtés de l’Atlantique et les recommandations d’éradiquer avec un ou plusieurs antibiotique(s) associé(s) à un IPP restent valables chez nous comme au pays de l’Oncle Sam. On peut donc considérer l’étude américaine comme significative, à défaut éventuellement de pouvoir prendre les chiffres tels qu’ils sont. C’est d’autant plus vrai que les auteurs se sont adressés à une population très étendue, comportant pas moins de 1.010 patients admis en hôpital général tout au long de l’année 2009. Ils ont trouvé chez ces patients un taux d’infection à Clostridium de 10,4 cas/1.000. Même s’ils reconnaissent que c’est moins que lors d’une enquête précédente, qui avait eu lieu en 2008 et avait décelé 13,1 cas pour 1.000 admissions, il faut bien se rendre compte que cela dépasse encore légèrement le pourcent. Et comme il s’agit de l’état détecté à l’admission, on est bien forcé de se rendre compte que cela dénote une présence du germe dans la communauté. Les épidémiologistes ne s’y sont pas trompés puisqu’ils ont désormais défini trois catégories d’infections à Cd (voir tableau ci dessous).

tableau explicatif


Profil type

Le profil type du patient porteur est préférentiellement celui des femmes et des personnes âgées, surtout s’il y a eu contamination antérieure en milieu hospitalier. Mais ce qui nous intéresse plus encore dans cette étude, c’est que 82,6% des sujets contaminés avaient reçu un traitement acido-supresseur et pas nécessairement dans le contexte d’une éradication d’Hp et que 79,1% avaient reçu une antibiothérapie. Mais un peu plus de la moitié (51,6%) avaient reçu les deux. La prescription d’IPP seuls semble suffire pour augmenter le risque. L’explication résiderait dans le fait que l’acidité gastrique constitue malgré tout un système de défense contre Clostridium difficile. Et lorsqu’une antibiothérapie est associée, la diminution de cette protection s’additionne d’une perturbation de la flore intestinale, dont l’équilibre constitue lui aussi un facteur de protection, notamment contre le germe responsable de la colite pseudo-membraneuse. Des études récentes ont montré que les bêta-lactames, la clindamycine et les fluoroquinolones figurent au rang des antibiotiques le plus souvent associés à l’infection à Clostridium difficile

Même contre Hp

On connaît l’intérêt de la prescription de probiotiques simultanément à celle d’antibiotiques. Il faut néanmoins se souvenir que les probiotiques qui sont de nature bactérienne peuvent eux-mêmes faire la cible des antibiotiques. Dès lors, le choix de recourir à une levure met à l’abri de cet inconvénient, les levures étant des eucaryotes, donc très peu sensibles aux antibiotiques, par contraste avec les procaryotes que sont les bactéries. Une méta-analyse récemment publiée par McFarland (USA) a regroupé des études randomisées, contrôlées et en double aveugle, concernant l’efficacité et la sécurité de Saccharomyces boulardii dans différentes indications. Sur les 31 études retenues pour la méta-analyse en fonction des critères pré-établis, 27 concluaient de manière positive, tant pour l’efficacité que pour la sécurité. Au total, cela concernait pas moins de 5029 patients adultes. L’efficacité préventive contre la diarrhée aux antibiotiques, en particulier, était évidente. Le risque relatif était de 0,47 (p < 0,001). La prise de Sb peut donc être chaudement recommandée, conclut l’auteur, dans la prévention de la diarrhée aux antibiotiques. Mais en plus de cela, non seulement Sb se montrait également efficace dans l’antibiothérapie d’éradication de Hp, mais encore a-t-on pu estimer que Sb par elle-même diminuait de 12% le risque de contamination chez l’enfant. Et d’autres études ont encore montré son intérêt dans d’autres affections, comme la diarrhée du voyageur, la maladie de Crohn, le côlon irritable, la giardiase, etc. ainsi qu’en nutrition entérale.

Alexandre Dereinne

Références:

King RN, Lager SL. Incidence of Clostridium difficile infections in patients receiving antimicrobial and acid-suppression therapy. Pharmacotherapy 2011; 31(7): 642–648.

Malfertheiner P, Mégraud F, O’Morain M. Guidelines for the Management of Helicobacter Pylori Infection. Eur Gastroent Rev. (Business report) 2005

McFarland LV. Systematic review and meta-analysis of Saccharomyces boulardii in adult patients. World J Gastroenterol 2010; 16(18): 2202-22.




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