Pas moins d’un milliard de personnes souffrent à l’heure actuelle de malnutrition. En Asie et en Afrique, la principale carence concerne les protéines animales. Le fait d’intégrer les insectes au menu permettrait d’améliorer le statut nutritionnel de ces personnes. Mais les insectes pourraient également venir varier l’ordinaire des occidentaux en apportant un peu d’exotisme dans leur assiette.
Aspect culturel
Au sein de notre société, le fait d’évoquer la possibilité de se nourrir d’insectes provoque déjà un sentiment de répulsion chez la plupart des gens. Or, le monde occidental a la mémoire courte car il faut savoir qu’en Europe, les Romains consommaient déjà des larves de longicorne (un coléoptère) tandis que les Grecs mettaient des cigales et diverses chenilles à leur menu. Plus tard, ce sont les hannetons qui trouvèrent leur place dans l’assiette des Européens avant d’être abandonnés. Les araignées n’ont pas meilleure cote que les insectes dans nos assiettes, bien au contraire. Or elles sont pourtant dégustées dans de nombreuses contrées et on leur prêterait même des vertus aphrodisiaques...
Si la consommation d’insectes et d’araignées répugne les Occidentaux, il faut savoir qu’aux yeux de nombreuses ethnies, nous consommons également de drôles d’aliments. En effet, il peut paraître «bizarre» de consommer des cuisses de grenouilles, moules, huîtres ou autres escargots, pour des personnes qui ne sont pas habituées à en manger dans leurs moeurs alimentaires. Il existe donc une véritable barrière culturelle entre les Européens et Nord-Américains d’une part, et le reste du monde d’autre part.
Richesse nutritionnelle
Les insectes renferment une densité nutritionnelle impressionnante. Il faut savoir que dans 100 grammes de chenilles séchées, il y a environ 53 grammes de protéines, 15 grammes de lipides et 17 grammes de glucides. Leur valeur énergétique s’élève à environ 430 Kcal par 100 grammes, soit plus que la viande d’agneau.
Au vu de leur richesse énergétique et protéique, il conviendrait donc ne pas consommer des insectes tous les jours. De plus, les cuissons dans un bain de friture ou à la matière grasse, bien souvent utilisées pour ce type d’aliments, ne feraient qu’en augmenter la teneur en lipides. Afin d’éviter l’apport excessif de matières grasses, il serait donc préférable d’opter pour les cuissons au four, à la vapeur ou à l’eau bouillante.
Les insectes renferment de nombreux minéraux et vitamines. Certaines chenilles, par exemple, sont riches en potassium, calcium, magnésium, zinc, phosphore et fer. Les larves d’abeilles sont, quant à elles, plus riches en vitamine D que l’huile de foie de morue. Les recherches montrent que la consommation de 100 grammes d’insectes permettrait de couvrir plus de cent pourcents des apports journaliers recommandés en minéraux et en vitamines.
Essayer, c’est adopter?
L’idée même de manger ou de voir quelqu’un manger des insectes peut être déroutante voire provoquer du dégoût chez bien des Européens. Certains, sensibilisés par des émissions de télévision ou par des récits de voyages, peuvent néanmoins se sentir prêts à tenter une expérience entomophagique. C’est ce qui a été proposé il y a quelques années au public ayant assisté à une conférence donnée par le Professeur François Malaisse, professeur honoraire à l’Université de Liège.
Des buffets de dégustation composés de dizaines de plats à base d’insectes avaient été préparés par des doctorants Ivoiriens aidés de Belges, afin de faire découvrir l’entomophagie à l’auditoire. Le menu proposait des plats, d’inspiration européenne ou africaine, dans lesquels les insectes remplaçaient la viande, le poisson ou les crustacés.
Parmi les mets proposés, on pouvait entre autres déguster des cakes aux larves de ténébrions, des toasts au pâté d’insectes, de la paëlla aux insectes, des fritûres d’orthoptères (grillons et criquets avec sauce pimentée) ou encore des larves de charançon du palmier. Des 600 personnes ayant participé à la conférence, rares sont celles qui n’ont pas goûté aux plats. Au contraire, certaines d’entre elles se seraient même resservies à plusieurs reprises.
Dans l’assiette du futur?
Malheureusement, en Europe, on compte peu de restaurants proposant des plats préparés à base d’insectes. Seuls quelques magasins spécialisés, souvent situés dans des quartiers africains ou asiatiques, permettent de s’approvisionner en insectes boucanés (fumés), rarement en insectes frais.
En l’absence d’un réseau de distribution efficace, les Occidentaux entomophages devront se tourner vers la production familiale d’insectes faciles à élever. Les plus courants sont les vers de farine, les grillons, les criquets ou encore les phasmes.
Et puis, qui sait, il se pourrait que d’ici quelques années, nos habitudes alimentaires se modifient. N’avons-nous pas emprunté à l’Orient ses épices, ses saveurs aigre-douces, ses fruits et plus récemment, ses sushis? Quels seront les premiers grands chefs à proposer dans leur cuisine des chenilles et de succulentes larves de charançon du palmier?
Hardouin J. Production d’insectes à des fins économiques ou alimentaires: Mini-élevage et BEDIM. Notes fauniques de Gembloux, n° 50 (2003): 15-25.
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Article en français consulté en février 2011.
Mignon J. L’entomophagie: une question de culture?
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Article en français consulté en février 2011.
Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.
Les insectes comestibles, importante source de protéines en Afrique centrale. 2004.
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Article en français consulté en février 2011.