Flore digestive et obésité

20/11/2008
Article

On a souvent parlé de la flore intestinale pour en dire la multiplicité et la complexité. Elle est loin d’être bien connue mais son importance est désormais reconnue au point que l’on tende à la considérer comme un organe à part entière, en raison de son abondance, de sa diversité, de sa complexité et surtout en raison de sa complète intégration à la physiologie de l’hôte. Et cela va plus loin encore, puisque la richesse de son génome est à l’origine de l’émergence de la notion de « métagénome ». 

Un acteur ... actif 
La participation de la flore digestive à toute une série de processus métaboliques de l’organisme hôte n’est pas une nouveauté mais ce concept est en pleine évolution avec l’émergence d’une idée d’interférence avec le métabolisme énergétique. Cette conception aurait même son corollaire en pathologie, à savoir que des anomalies de composition ou de fonctionnement de cette flore pourraient contribuer à l’éclosion de l’obésité, voire jouer un rôle dans le développement du diabète de type 2. On connaît le processus de fermentation, dans lequel les bactéries coliques sont les acteurs majeurs. Via la fermentation, cette flore peut accroître la quantité d’énergie mise à la disposition de l’hôte. Ensuite, le flux des acides gras et leur stockage dans les adipocytes sont sous le contrôle du « fasting induced adipocyte factor » (FIAF), dont l’expression dépend de la flore. Les principaux facteurs de risque du syndrome métabolique sont connus : hérédité, habitudes alimentaires, insuffisance de l’activité physique. Mais de plus en plus de données se font jour pour suggérer que ces facteurs n’expliquent pas tout et que la flore digestive pourrait bien y jouer un rôle. Des études récentes ont montré une différence entre sujets maigres et sujets obèses pour la composition de la flore intestinale. 

Graisse et flore intestinale 
Les régimes riches en graisses modifient la composition de la flore intestinale, avec chute du contenu en bifidobactéries et augmentation relative de la proportion des bactéries portant un lipopolysaccharide. Cela pourrait correspondre à une augmentation du taux plasmatique de lipopolysaccharide, avec pour conséquence un processus inflammatoire, une résistance à l’insuline et un diabète de type 2 lié à l’obésité. Or, on sait que le diabète et l’obésité se caractérisent par un état inflammatoire discret, qui pourrait s’expliquer par une endotoxinémie ou augmentation du taux de lipopolysaccharide dans le sang. Les constatations faites en conditions expérimentales chez la souris vont dans ce sens: un régime riche en graisse donné pendant quatre semaines s’accompagne d’un doublement ou d’un triplement du taux plasmatique de lipopolysaccharide. Or, ce lipopolysaccharide est capable d’induire un état inflammatoire. Lorsqu’il est administré par perfusion sous-cutanée pendant quatre semaines, on assiste chez la souris à une augmentation de la glycémie et de l’insulinémie à jeun, ainsi qu’à une augmentation du poids corporel, du poids du foie et de celui du tissu adipeux. Ces modifications atteignent les mêmes proportions que celles que l’on trouve chez les animaux nourris pendant quatre semaines avec un régime riche en graisses. Et les marqueurs de l’inflammation augmentent eux aussi. 

Combattre l’obésité? 
La modification de la flore intestinale pourrait dès lors constituer un moyen de prévenir, voire de traiter un syndrome métabolique induit par une alimentation pauvre en fibres et riche en graisses. Dans une étude conduite également chez la souris, Cani et al. ont modifié la flore bactérienne des animaux en leur administrant des antibiotiques. Ils ont ainsi pu montrer que ces changements diminuaient l’endotoxinémie et le contenu caecal en LPS, même chez des souris obèses (ob/ob) ou des souris nourries avec un régime riche en graisses. Cet effet était corrélé avec le recul de l’intolérance au glucose, de la prise de poids et du développement du tissu adipeux. L’étude réalisée par Lesniewska et coll. sur un modèle animal a montré que l’administration d’un mélange contenant Lactobacillus delbrueckii, L. rhamnosus GG, Bifidobacterium lactis Bb12 et l’inuline induirait des changements significatifs dans le nombre de lactobacilles, bifidobacteries, et enterobacteries au niveau de l’estomac, de l’intestin grêle, du caecum et du côlon. C’est dans un tout autre domaine, celui de la problématique de l’obésité, que vient de s’ouvrir une nouvelle porte pour les recherches sur les rôles de la flore intestinale et les probiotiques. Ainsi, les travaux du Pr J Gordon (Directeur du Centre des Sciences du Génome à l’Université de Washington, USA) et son équipe ont révélé que les souris axéniques (sans flore) nées et maintenues dans un environnement stérile ingèrent significativement plus de nourriture (près de 30 % en plus) que des souris « contrôles ». Mais ce qui retient l’attention des chercheurs, c’est que malgré cette consommation plus élevée, les souris axéniques présentent une masse graisseuse nettement inférieure (de 42 %) à celle des souris « contrôle ». Un espoir pour les obèses?

La Rédaction

Références

Cani PD, Delzenne NM. Gut microflora as a target for energy and metabolic homeostasis. Curr Opin Clin Nutr Metab Care 2007; 10: 729-34.
DiBaise JK, Zhang H, Crowell MD et al. Gut microbiota and its possible relationship with obesity. Mayo Clin Proc. 2008; 83: 460-9.
Delzenne NM, Cani PD. Gut microflora is a key player in host energy homeostasis. Med Sci (Paris). 2008; 24: 505-10.
Lesniewska V, Rowland I, Cani PD et al. Effect on components of the intestinal microflora and plasma neuropeptide levels of feeding Lactobacillus delbrueckii, Bifidobacterium lactis, and inulin to adult and elderly rats. Appl Environ Microbiol 2006; 72: 6533-8.
Cani PD, Bibiloni R, Knauf C et al. Changes in gut microbiota control metabolic endotoxemia-induced inflammation in high-fat diet-induced obesity and diabetes in mice. Diabetes 2008; 57: 1470-81. 
4e Convention internationale sur les probiotiques, organisée par Danone à Paris, les 9 et 10 mars 2006.




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