Il est bien loin, le temps où les personnes diabétiques évitaient tout aliment glucidique. Actuellement, c'est une alimentation classique et équilibrée qui leur est conseillée. De quoi l'avenir des patients diabétiques sera-t-il fait? Les exposés scientifiques au cours du dernier salon du diabète ont mis en lumière certains points clés et présenté de nouvelles avancées dans les traitements qui sont ou seront bientôt disponibles.
Pour un meilleur contrôle du risque
En ce qui concerne la gestion du risque cardiovasculaire des patients diabétiques, le médecin généraliste se révèle sans conteste le professionnel de référence. Il veillera à la maîtrise des facteurs de risque cardiovasculaire: glycémie mais aussi lipides sanguins, tension artérielle, tabagisme et poids corporel. De nombreuses recherches montrent qu'un renforcement du contrôle de ces paramètres est associé à une nette amélioration du risque cardiovasculaire. Par exemple, une étude a montré qu'en 10 ans, les diabétiques qui parvenaient à diminuer leur HbA1c de 7,9 à 7% voyaient baisser significativement leur risque de différentes complications (microvasculaires, rétinopathie et infarctus). Par ailleurs, un contrôle lipidique permet une diminution allant jusqu'à 37% du risque cardio-vasculaire chez les diabétiques. Mais le point sur lequel a été mis l'accent, c'est le contrôle tensionnel.
Si la pression artérielle diastolique peut être maintenue à 80, le risque des patients diabétiques peut même baisser jusqu'à être comparable à celui des personnes non diabétiques! Pourtant, déplore le Pr André Scheen (Université de Liège), les chiffres de la réalité sont bien loin des idéaux. L'essentiel est de ne pas baisser les bras car même une modeste amélioration de l'un des facteurs de risque aura une influence non négligeable sur le risque global. Et il ne faut pas oublier le rôle central des mesures hygiéno-diététiques, surtout dans le cadre du diabète de type 2. En effet, comme aime à le rappeler le Pr Scheen, la gestion du poids associée à l'exercice physique permet d'améliorer tous les autres facteurs de risque en même temps et de réguler la glycémie du patient diabétique de type 2, sans médicament!
L'insuline sous un autre angle
De nombreux diabétiques insulino-dépendants adaptent encore leur prise alimentaire à leurs injections d'insuline, mais la situation tend à s'inverser: on demande aux traitements de s'adapter à l'alimentation, et aux professionnels de la santé de procurer une éducation spécifique concernant la gestion de ces traitements. L'insulinothérapie fonctionnelle consiste en l'administration d'une insuline basale à action lente associée à une dose d'insuline ultra-rapide adaptée précisément à la quantité de glucides ingérée au cours du repas. Cette méthode, certes coûteuse, peut apporter une telle amélioration de la qualité de vie des patients qu'il vaut parfois la peine de l'envisager, explique le Dr Isabelle Paris (Université Catholique de Louvain). Entre autres, l'insulinothérapie fonctionnelle permet au patient de regagner un contrôle sur sa maladie, ce qui est un élément essentiel de motivation et justifie ses quelques désavantages, notamment les injections et contrôles glycémiques supplémentaires, l'éducation nécessaire ainsi que tous les coûts qui y sont liés.
Autre moyen de prise en charge: les pompes à insuline. Leur mise au point date des années quatre-vingts, mais elles ont fait l'objet de perfectionnements. Une pompe à insuline permet le contrôle et la régulation de la glycémie en continu. C'est le type de prise en charge qui mime le plus les réactions du pancréas. Les derniers modèles ont connu des améliorations quant à la précision et à la régulation de la boucle de feed-back entre la mesure de la glycémie et la libération d'insuline, ce qui les rend plus performants. On avance parfois que lors d'une prise en charge classique du diabète insulino-dépendant, la glycémie pourrait connaître des fluctuations entre les moments de contrôle. Le patient ne les remarquerait pas mais ils seraient responsables d'une HbA1C trop élevée. Les pompes à insuline pourraient se présenter comme une solution pour les patients dont le diabète reste mal équilibré, à condition de s'assurer de leur motivation.
Les incrétines arrivent
Un champ de recherches s'est largement développé ces dernières années, à tel point qu'il a pu aboutir à un nouveau mode de traitement du diabète: les incrétines. Comme l'explique le Professeur Françoise Féry (Université Libre de Bruxelles), « l'effet incrétine » fait référence à la différence de sécrétion insulinique suite à la prise orale de glucose ou à l'administration d'une même quantité de glucose par intraveineuse. La production d'insuline, plus importante lorsque la charge de glucose est administrée par voie orale, a été le point de départ de la mise en évidence de « l'effet incrétine »: le glucose stimule les cellules intestinales qui sécrètent entre autres du GLP-1 (Glucagon-Like Peptide-1), hormone qui stimule à son tour la sécrétion de l'insuline. Après un repas, on estime d'ailleurs que l'effet incrétine est responsable de la sécrétion d'insuline dans des proportions allant de vingt à soixante pour cents. C'est dire l'importance de cette voie dans la régulation de la glycémie!
Administrer du GLP-1 s'est donc présenté comme une alternative intéressante à l'injection d'insuline. Mais la demi-vie extrêmement courte du GLP-1, de l'ordre de deux minutes, constitue une entrave majeure. Le GLP-1 est détruit par une enzyme dès son passage dans le sang, et seule une infime quantité arrive aux sites cibles que sont le pancréas et l'hypothalamus. Des récepteurs au GLP-1 sont en effet présents sur ce dernier, où siège également le centre de l'appétit, ce qui permet d'avancer que le GLP-1 pourrait participer à l'induction de la satiété de manière centrale.
Deux voies de traitement du diabète ont été mises au point en s'inspirant du GLP-1. Premièrement, l'utilisation de substances qui inactivent l'enzyme détruisant le GLP-1 a permis de prolonger sa durée d'action. Toutefois, l'effet systémique de ces substances est encore mal connu, ce qui empêche leur utilisation. Autre solution, la mise au point d'analogues du GLP-1 capables de se lier aux sites d'action de ce dernier sans être détruits. Elle a débouché sur un traitement permettant une gestion de la glycémie moyennant deux injections par jour, et est déjà utilisé aux Etats-Unis. Ce traitement présente plusieurs avantages: il n'induit pas de risque d'hypoglycémie et son effet non négligeable sur la satiété favorise une perte de poids, modeste mais durable. D'autres analogues du GLP-1 à action prolongée sont actuellement en développement.
Si les avancées médicales ne doivent pas reléguer au second plan l'importance de l'équilibre alimentaire des personnes souffrant de diabète, elles offrent toutefois des perspectives concrètes pour l'amélioration de la régulation de la glycémie et par conséquent, pour la diminution du risque de complications micro- et macrovasculaires liées à cette affection.
Magali Jacobs, Diététicienne
Références
Troisième Salon du Diabète. Programme Scientifique. Samedi 13 Octobre 2007, Bruxelles.