Avec les progrès de la médecine moderne, il n’est à présent plus rare de croiser des personnes ayant plus de 100 ans. Malheureusement, avec l’âge, on observe une modification de la composition corporelle, ainsi qu’un vieillissement du système digestif. Cette sénescence a un impact non négligeable sur la fonction digestive, mais également sur le risque de dénutrition.
Troubles dentaires
Qui dit vieillissement, dit problèmes dentaires fréquents. Or, les troubles bucco-dentaires tels que les parodontoses ou les gingivites, constituent l’un des facteurs pouvant exposer les personnes âgées aux risques de dénutrition. De même, une mauvaise dentition ou un dentier inadapté ou mal fixé peuvent également empêcher une personne âgée de se nourrir correctement.
Aux troubles de la mastication s’ajoutent une altération de la perception des goûts et saveurs ainsi que d’éventuels troubles de la déglutition, accentuant encore la perte progressive de l’envie de s’alimenter chez les personnes âgées.
Outre la bouche, les épithéliums digestifs ressentent peu à peu les effets du vieillissement. Pour ce qui est de l’estomac ou de l’intestin grêle, cette sénescence progresse relativement lentement car ces organes possèdent une extraordinaire capacité de renouvellement. Ils sont donc capables de compenser pendant longtemps leur propre vieillissement.
Pas assez de salive
Une revue systématique récente menée par une équipe de l’Université de Gand (Van lanker et al.) a montré l’existence d’une association indépendante entre la santé buccale (dentition, langue, salive) et la malnutrition chez des seniors résidant en maison de soins de longue durée. Samnieng et al. ont, eux aussi, montré que l’hyposalivation était un facteur de risque, non seulement de caries dentaires mais encore de perturbation du goût, de difficultés d’élocution et de déglutition, de mastication insuffisante et de malnutrition. Et on comprend que celle altération fonctionnelle est déjà capable à elle seule de déclencher un cercle vicieux qui conduit à la malnutrition. Rien d’étonnant, donc, à ce que Samnieng et al. terminent leur publication en insistant sur l’importance d’un contrôle du niveau de salivation chez les personnes âgées. C’est d’autant plus justifié qu’il existe aujourd’hui des substituts dont la composition est très proche de la salive naturelle.
Ulcères et gastrites
Le vieillissement entraîne une atrophie partielle de la muqueuse gastrique, ce qui explique que chez les personnes âgées, la capacité sécrétoire gastrique en conditions basales est amoindrie. A partir de l’âge de 40 ans, on observe également une élévation progressive du pH gastrique.
Cette diminution de la capacité sécrétoire de l’estomac trouverait également son origine dans l’augmentation avec l’âge de pathologies gastriques telles que les ulcères. Or, ces troubles passent bien souvent inaperçus et ne sont détectés que lors de complications majeures. Ils peuvent en outre participer à la survenue d’un état de dénutrition chez la personne âgée. Inversement, il a été prouvé que la dénutrition favorisait la prévalence d’ulcère. On assiste donc à un véritable cercle vicieux.
Il a également été prouvé que l’âge engendrait également une augmentation de la fréquence des lésions de gastrite chronique, entraînant une maldigestion par hypochlorhydrie induite. La gastrite atrophique, quant à elle, augmente les risques d’avitaminose B12 chez le patient âgé, d’une part en raison d’une diminution de la libération de la vitamine B12 liée aux protéines alimentaires (déficience en facteur intrinsèque), d’autre part en raison d’un risque de surconsommation par des bactéries ayant proliféré dans l’estomac devenu plus alcalin.
Moindre surface d’absorption
Le vieillissement de l’épithélium intestinal est quant à lui un phénomène beaucoup plus tardif. Peu à peu, on observe chez la personne âgée une diminution progressive de la prolifération dans les cellules cryptiques, et seulement dans le duodénum et le jéjunum. Cette diminution résulte à la fois d’une baisse de l’index de marquage dans la zone de prolifération, mais également d’une réduction du volume de cette zone.
La diminution de la prolifération s’accompagne d’une réduction de la surface absorbante des villosités. Il en est de même pour la surface d’échange villositaire. Les activités spécifiques des phosphatase alcaline, maltase, amino-peptidases diminuent elles aussi fortement, allant de -40 à -60%.
Enfin, il semble que l’iléon ressente peu les effets du vieillissement. Certains chercheurs affirment que la baisse de l’absorption proximale faisant suite à la subatrophie du duodénum et du jéjunum induirait en fait un apport accru de nutriments au niveau de l’iléon, ce qui contribuerait au maintien de sa trophicité. Ce mécanisme d’adaptation n’est malheureusement pas suffisant pour pallier l’insuffisance digestive.
N’oublions pas le pancréas
Au niveau du pancréas, on observe avec l’âge une chute des débits en bicarbonate, lipase, chymotrypsine et amylase pouvant aller jusqu’à près de 40%. Ce constat serait d’autant plus exact que le sujet présenterait un bilan nutritionnel précaire, phénomène fréquemment observé chez les personnes âgées hospitalisées ou placées en institution.
Un état de dénutrition sévère pourrait donc s’accompagner de signes d’insuffisance pancréatique. On pourrait donc croire que la dénutrition chez la personne âgée pourrait soit entraîner une insuffisance pancréatique exocrine fonctionnelle, soit révéler une insuffisance pancréatique latente, voire une pancréatite chronique sénile dont la réalité organique est encore discutée.
Rappelons que dans les pays en développement, les insuffisances pancréatiques sont toujours liées aux dénutritions protéino-énergétiques majeures de type kwashiorkor et marasme. Par ailleurs, les études de biologie cellulaire ont bien montré que le système lysosomial était sensible à la carence en certains acides aminés, avec apparition de mécanismes de micro-autophagosomie.
Last but not least
Enfin, la dégénérescence pancréatique exocrine trouverait, selon certains scientifiques, son origine dans la perturbation des cheminements des protéines exportables, avec probablement une altération de la séquestration des enzymes lysosomiales lors de leur adressage spécifique par reconnaissance des radicaux phospho-mannosyl. Il s’en suivrait une dégradation intracellulaire des acini pancréatiques.
Balas D, Senegas-Balas F, Thoreux K, et al. Viellissement des épithéliums gastro-entéro-pancréatiques. Données fondamentales. Année gérontologique. 2000
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Consulté en mai 2012.
Coutaz M, Morisod J. Nutrition et vieillissement. Revue Médicale Suisse N° 2353.
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