Bien que l'obésité réponde à une simple équation de thermodynamique, où les calories ingérées dépassent les calories dépensées, le problème pris dans sa globalité est d'une rare complexité. D'un côté, il y a l'individu, qui effectue ses choix en matière d'alimentation et d'activité physique, d'un autre, il y a l'environnement, qui conditionne, par le biais de la disponibilité, du prix, de la publicité... la façon de manger et de bouger. Bref, on peut se poser la question de savoir si l'obésité relève avant tout d'une responsabilité individuelle, ou de l'environnement...
Environnement « obésitogène »
Pour Philip James, qui préside l'IOTF (International Obesity TaskForce), on ne peut pas dire aux gens ce qu'ils doivent manger, il faut changer l'environnement. Un environnement qui deviendrait « obésitogène ». Les travaux menés notamment par Adam Drewnosky (Université de Washington, Seattle, États-Unis) montrent clairement que les mets gras et/ou sucrés représentent une source d'énergie bon marché, alors que des aliments tels que les fruits et légumes sont chers, surtout lorsque l'on rapporte leur prix à la calorie obtenue. Mais pour Drewnosky, si l'énergie venant des graisses et du sucre est bon marché pour l'individu, elle a un coût important pour la société, dans la mesure où une alimentation de densité énergétique élevée est associée à des risques accrus d'obésité, de diabète de type 2 et de syndrome métabolique.
Anti-obésité
Les fruits et les légumes, eux, ne sont pas mangés pour les calories qu'ils apportent. Au contraire, ils ont même plutôt un rôle de « diluant énergétique ». Martine Laville (Hôpital E Herriot, Lyon) rappelle que ces aliments sont de précieux pourvoyeurs de fibres, vitamines, micronutriments et autres antioxydants qui contribuent à la prévention et au traitement des désordres liés à l'obésité. Ils concourent également à augmenter la palatabilité et la variété du régime, ainsi que la satiété. Bernhard Watzl (Institute of Nutritional Physilogy, Karlsruhe) ajoute que les fibres des fruits et légumes peuvent également exercer un effet prébiotique et favoriser ainsi l'activité métabolique d'une flore intestinale propice à la santé de l'intestin et à la santé en général. Il plaide en faveur d'une grande diversité botanique dans l'alimentation, de manière à bénéficier d'une plus grande diversité dans l'apport en constituants des fruits et légumes. Une telle alimentation fournit un spectre unique de constituants bioactifs, ce qui semble promouvoir la santé à long terme, que ce soit en prévenant ou en retardant l'apparition de nombreuses affections chroniques.
Question de densité
Le rôle des fruits et légumes pour combattre l'obésité tient au moins en partie à leur effet sur la densité énergétique du régime. Heidi M. Blanck (Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta GA, USA) explique qu'au fil des jours, c'est le volume global de l'alimentation qui est stable, et ce indépendamment du contenu énergétique des aliments consommés. L'incorporation de fruits et légumes permet donc de réduire l'apport énergétique total, ce qui constitue à ses yeux une stratégie efficace de gestion du poids.
L'épidémiologiste rapporte les résultats d'une étude d'intervention en cours de publication menée chez 71 femmes obèses montrant que par rapport à l'option qui consiste à manger moins gras, celle qui implique une majoration des aliments riches en eau (comme les fruits et légumes) conduit, après 1 an, à une perte de poids de 23 % plus élevée (7,9 kg contre 6,9 kg). Elle relate également les résultats d'une autre étude montrant que l'option « fruits et légumes » apparaît comme un élément capable d'expliquer la stabilisation du poids après un régime.
Sur la piste de l'osmotine
Le caractère « anti-obésité » des fruits et légumes s'affirme peu à peu, et cela en dépit du fait que son mécanisme reste encore flou. On s'accorde généralement à reconnaître que ce n'est pas l'un ou l'autre nutriment ou constituant en particulier qui en est le principal acteur, mais l'ensemble des cette complexité. Mais il y a encore des découvertes...
L'équipe de Kadowaki, qui était à l'origine de la découverte de l'adiponectine, une protéine produite par le tissu adipeux blanc capable d'augmenter la sensibilité à l'insuline chez l'obèse, a démasqué un nouveau composé dans les fruits et légumes : l'osmotine. Découverte initialement dans des plants de tabac, où elle exerce un rôle antifungique naturel, l'osmotine s'avère à même d'activer les récepteurs de l'adiponectine (AdipoR1 et AdipoR2) de cellules musculaires en culture. Cela entraîne une activation de l'AMP-activated protein kinase, dont les effets métaboliques bénéfiques sont multiples : activation du transport de glucose intracellulaire même en présence d'une insulinorésistance, activation de l'oxydation les lipides intramusculaires afin de dépléter les muscles de leurs stocks lipidiques, diminution de la stéatose hépatique et de la synthèse hépatique de VLDL-triglycérides).
Bien que les effets d'une consommation alimentaire d'osmotine restent à préciser chez l'homme, cette protéine pourrait contribuer à expliquer partiellement les effets bénéfiques des fruits et des légumes.
Une priorité pour L'OMS
A l'échelle de la planète, la faible consommation des fruits et légumes serait responsable de 31 % des maladies cardiaques ischémiques, 11 % des accidents vasculaires cérébraux et jusqu'à 20-30 % des cancers du tractus gastro-intestinal supérieur. Elle figure dans le « top 10 » des facteurs de risque sélectionnés pour la mortalité globale. C'est en l'occurrence ce que rappelle Ursula Trübswasser (World Health Organisation, Regional Office for Europe), qui ajoute qu'un apport suffisant en fruits et légumes pourrait sauver jusqu'à 2,7 millions de vies chaque année. Les fruits et légumes sont désormais devenus un objectif prioritaire de santé pour l'OMS, qui multiple les actions visant à faciliter, en travaillant de la fourche à la fourchette, la mise en place d'un cadre propice à la majoration de la disponibilité de ces denrées. Rappelons que selon l'OMS, l'objectif consiste à consommer au moins 400 g de fruits et de légumes quotidiennement, sans précision sur la répartition entre fruits et légumes, et en excluant les pommes de terres et autres tubercules amylacés de ces 400 g.