L'index glycémique est devenu depuis quelques années déjà un critère déterminant dans la guidance diététique au patient diabétique et même dans les conseils nutritionnels concernant l'alimentation équilibrée. Depuis lors s'est également développée la notion de charge glycémique, car on s'est souvenu qu'il ne suffisait pas d'éviter une augmentation trop rapide de la glycémie : il faut aussi que l'apport global en glucides, entre autres, reste dans les limites du raisonnable. La charge glycémique, qui correspond à la quantité de glucides ingérés multipliée par l'index glycémique de l'aliment considéré, prend en compte à la fois la quantité et la qualité des aliments consommés.
Des instruments très pratiques
Ces concepts sont utiles dans la pratique quotidienne, même si certains chercheurs émettent des réserves à ce propos, estimant que dans le concret, la standardisation de ces concepts est difficile, que la reproductibilité des mesures est faible et que la réalité des caractéristiques que l'on veut ainsi décrire est variable. Il est probable, ainsi que certaines études réalisées ces dernières années semblent le suggérer, que leur utilité est plus évidente dans le domaine du traitement du diabète que dans la prévention des affections chroniques de type syndrome métabolique ou maladies cardiovasculaires. Mais ici encore, la tendance est de plus en plus à considérer que c'est la charge glycémique qui importe le plus, l'index glycémique apportant un gain de bénéfice dans la gestion de l'alimentation du patient diabétique. C'est un peu, mutatis mutandis, un retour à des considération plus anciennes. Mais cela n'enlève donc rien à l'intérêt de l'index glycémique.
Le lien de l'apport en glucides avec la réponse insulinique et une éventuelle résistance à l'insuline est de plus en plus présent dans les esprits. La résistance à l'insuline, comme chacun sait, augmente le risque d'affection cardiovasculaire. Des études menées chez les rongeurs ont montré que des modes alimentaires riches en sucrose, tout comme en fructose, engendraient des conséquences peu avantageuses sur le plan de la résistance à l'insuline. Mais ce n'est pas aussi clair chez l'homme que chez l'animal de laboratoire : les résultats des premières évaluations étaient assez contradictoires. Il est vrai que la réponse glucidique et insulinique au sucrose et au fructose est différente de celles que suscitent les amidons, les premiers donnant une chute de l'insuline (et de la glycémie) plus importante que les seconds dans les deux à trois heures qui suivent le repas. Par ailleurs, les études visant à évaluer l'impact des régimes à faible teneur en glucides sur la résistance à l'insuline n'ont pas donné non plus les résultats espérés. Seules quelques études d'ampleur limitée ont montré une amélioration de la résistance à l'insuline.
Aller chercher ailleurs
On commence à percevoir que l'explication résiderait dans la plus forte teneur en lipides de ces régimes, ce qui pourrait favoriser à long terme une résistance insulinique au lieu de la contrecarrer. Dans le même ordre d'idées, il apparaît de plus en plus clairement que les protéines de différentes origines ont des effets différents sur cette même résistance à l'insuline. L'avantage en ce sens irait précisément aux céréales complètes, aux fruits et aux légumes, qui dans un cadre thérapeutique favoriseraient la diminution de la résistance à l'insuline. Les sources maigres de protéines animales, telles les produits laitiers à faible teneur en lipides, seraient à ranger du même côté. Cette notion est importante car il est probable qu'une augmentation de l'exposition à l'insuline entraîne à la longue une diminution de la sensibilité à cette hormone par le biais d'une down-régulation de ses effets.
Toutes ces discussions ont amené les experts à développer une concept dérivé des précédents : celui d'index insulinique. Cette notion fut proposée par Holt dès 1997. Elle se définit comme le rapport entre l'aire sous la courbe de la réponse insulinique, après deux heures, à un apport de 1000 kJ de l'aliment testé et l'aire sous la courbe de la réponse insulinique au même apport calorique, dans les mêmes délais mais avec du pain blanc, ce rapport étant multiplié par 100. D'une façon générale, l'index insulinique est voisin de l'index glycémique et la réponse insulinique à une charge glucidique a le même aspect que la réponse glycémique. Il faut néanmoins faire remarquer que l'on n'enregistre pas d' « hypoinsulinémie » pour des charges glucidiques très hyperglycémiantes.
Un cas intriguant
Dans le travail de Holt, plusieurs aliments ont été testés dans un contexte d'apport énergétique identique (1000 kJ ). La bonne corrélation entre les index glycémiques et insuliniques a ainsi pu être mise en évidence. Il y a cependant des exceptions et à ce titre, les index insulinique et glycémique des produits laitiers fermentés interpellent. Ces aliments présentant un index glycémique faible, de l'ordre de 15 à 30 et sont donc a priori intéressants face au syndrome métabolique et à ses diverses formes, y compris le diabète. Mais on est étonné d'apprendre qu'ils ont un index insulinémique élevé, de 90 à 98, donc proche de celui du pain blanc qui a servi de référence. Et l'acide lactique des laits fermentés ne semble pas diminuer leurs index glycémique et insulinique, alors qu'on sait que dans d'autres aliments, les acides organiques ont cet effet.
Les produits laitiers seraient donc des stimulants de l'insulino-sécrétion. Faut-il s'en inquiéter ? A notre avis non, car chez le diabétique de type 2, les stimulants de l'insulino-sécrétion sont les bienvenus. C'est d'ailleurs la base du traitement médicamenteux, du moins à son début mais pendant longtemps. Cela risque-t-il d'accélérer l'épuisement des cellules bêta ? Rien n'est moins sûr : il faut se souvenir que l'index insulinique de ces produits laitiers fermentés est proche de celui du pain blanc. Et si l'on préfère conseiller au diabétique de prendre du pain complet, on n'a pas encore prouvé non plus que le blanc accélérait l'avènement de l'état insulino-dépendance. A côté de cela, il ne faut pas oublier non plus que les produits laitiers fermentés ont un index glycémique très favorable.
Une question de goût
Dernière nuance : dans un article de Dupont qui pose le problème, il est précisé que si le lait normal ou le concombre frais ne modifient pas la réponse métabolique, que l'addition de produits fermentés ou de cornichons au petit déjeuner à fort index glycémique diminue significativement la glycémie post-prandiale et l'insulinémie. Pour ce qui est des cornichons au petit déjeuner, on laisse chacun juge : question de goût...