Dans notre pays, qui se situe dans la moyenne européenne, l'excès de poids concerne près d'un enfant sur six, ce qui n'est pas de bon augure pour les adultes de demain. Grosso modo, on estime que l'obésité infantile réduit l'espérance de près de 13 ans. Chez l'adulte, le risque cardiométabolique constitue le facteur de risque principal de mortalité et de maladies chroniques dans les pays développés. La mise en évidence des facteurs de risques, en particulier ceux qui sont modifiables, apparaît clairement comme une priorité de santé publique : tabac, sédentarité, obésité (surtout abdominale), hypercholestérolémie, hypertension artérielle, diabète sont autant de leviers qui peuvent être actionnés pour améliorer la situation. Voilà pour la connaissance, mais ça ne suffit pas...
Comment prendre par les cornes le taureau de l'obésité ? A problème complexe, qui dépasse largement l'échelon individuel pour toucher à son environnement, la réponse se doit d'être globale. Et c'est bien là que le programme Viasano apporte une réponse nouvelle capable de se matérialiser dans une démarche de proximité et d'actions concrètes.
La famille au coeur de la ville
Viasano mobilise la ville pour atteindre la famille, dans le sens de toutes les personnes qui vivent dans le même foyer où s'organise la vie quotidienne. C'est en effet à ce niveau que se décident bien des choses, comme les achats alimentaires ou l'organisation et le rythme des repas. La famille évolue dans une niche écologique (quartier, ville...) où se déroulent la plupart des actes de la vie quotidienne : transport, éducation, travail, achats, soins médicaux, activités sportives ou de loisirs... Elle est soumise à de nombreuses influences, qu'il s'agit d'orchestrer de façon positive pour encourager les choix sains, tant dans la manière de se nourrir que de celle de bouger. La ville est la clé de voûte du dispositif, car c'est à son niveau que se mettent en place des actions de proximité, visibles et durables, en faveur de la prévention, et qui impliquent tous les acteurs. Viasano n'est pas une autorité extérieure qui dicte ce qu'il faut faire, mais s'appuie sur les structures locales de référence pour mobiliser les acteurs de la ville et ses différents services. Une philosophie qui, avec l'appui d'une communication forte, doit permettre l'appropriation, la mobilisation et l'implication des habitants.
La force, c'est l'union!
Le principe de Viasano consiste à exposer la cible, à savoir la famille, aux mêmes messages et au même moment. Ces messages sont relayés par les nombreux émetteurs qui appartiennent au tissu urbain : les écoles, les professionnels de la santé, les entreprises, le tissu association, la restauration, les commerçants et la grande distribution, les producteurs locaux, les médias... C'est la ville qui assure, sous l'impulsion et l'appui du bourgmestre, la mise en pratique du programme et la coordination des intervenants locaux grâce à une équipe locale comprenant un chef de projet (nommé par le bourgmestre), un comité de pilotage (avec médecins experts, diététicien, éducateurs, spécialistes de l'activité physique et professionnels de la prévention), et une équipe opérationnelle qui regroupe tous les secteurs importants de la ville. La ville s'appuie sur une méthodologie spécifique, une ingénierie de projet concrète et un pilotage qui permet de recréer des modèles de transmission et de communication.
Symphonie des messages
Face à la cacophonie ambiante dans le domaine de l'alimentation et de la santé, il y a du travail ! Viasano s'atèle précisément à faire des messages santé une sorte de symphonie. Exemple avec les légumes secs. A l'école : informations pédagogiques, découverte à la cantine, partenariat avec un producteur local... Les professionnels de la santé disposeront d'affiches dans leur salle d'attente, de documents à remettre aux patients. Les légumes secs seront aux menus de la restauration collective, les commerçants pourront mettre an place des actions promotionnelles, des animations... Et les médias locaux traiteront ce thème.
Deux villes pilotes
Dans un premier temps, deux villes pilotes, Hasselt et Mouscron, entrent dans le programme Viasano. Elles ont été sélectionnées sur base des dossiers de candidatures examinés par le comité d'experts indépendants, sur base de plusieurs critères : la taille (entre 50.000 et 100.000 habitants), la capacité à mettre en oeuvre des actions de santé publique, la motivation des personnes ressources et tout particulièrement la volonté du bourgmestre à s'impliquer dans le projet. D'autres villes pourraient rejoindre le programme dans un avenir proche.
Fils d'EPODE et de Fleurbaix-Laventie
Le modèle belge Viasano est issu du programme EPODE (Ensemble prévenons l'obésité de l'enfant) qui a débuté en France en 2004 avec 10 villes réparties dans le pays, et qui donne des résultats tangibles. Viasano, tout comme EPODE, sont des programmes d'action, et non des études scientifiques, qui découle d'une étude menée depuis 15 ans dans deux « Villes santé » du Nord de la France, Fleurbaix et Laventie. C'est là qu'un tel dispositif a apporté les preuves de son efficacité. Dans un premier temps, il a montré que les connaissances en nutrition des écoliers pouvaient être améliorées, et qu'il était possible de modifier favorablement certains comportements alimentaires. Dans un second temps, il a montré un fléchissement de l'obésité dans ces deux villes, alors que l'obésité continuait à croître dans les villes témoins. Des résultats qui suscitent l'enthousiasme, et qui ont conduit à la mise en place d'EPODE, puis depuis cette année, de Viasano en Belgique (avec extension à la prévention du risque cardiovasculaire) et de Tao (Think about obesity) en Espagne.
Des clichés pour évaluer
Pour juger de l'efficacité du programme, les villes procéderont chaque année à une mesure du poids et de la taille de tous les enfants de fin maternelle et du primaire. Le BMI sera calculé et inscrit sur une courbe de corpulence qui sera commentée et adressée aux parents. Les enfants en excès de poids se verront conseiller de consulter leur médecin. Chez les adultes, un groupe sera suivi par la médecine du travail et un groupe par des médecins généralistes, pour le poids et la taille. Les résultats seront comparés avec les données de l'Institut de la Santé Publique. Le tour de taille sera également suivi auprès d'un groupe d'adultes, de manière à traquer et suivre l'obésité abdominale. Une évaluation de l'activité physique et de la sédentarité sera également menée, ainsi qu'une évaluation psychosociologique pour déceler l'évolution des comportements.