Tout a déjà été dit sur les problèmes de transit intestinal et, pourtant, ils continuent à faire leur lot de victimes chaque année, tant les facteurs causaux sont divers et complexes. Cette fréquence et la relation qui unit désormais la santé intestinale à l'alimentation ouvre cependant de nouvelles perspectives de traitement via l'assiette. En effet, des regards nouveaux sont jetés désormais sur le rôle des fibres alimentaires, sans oublier les effets des pré- et probiotiques, qui s'affinent au gré des recherches exponentielles de ces dernières années.
Fibres: à l'eau, ça gaze?
Dans un passé pas si éloigné, on pensait que les effets des fibres alimentaires se limitaient au « stool-bulking » ou effet ballast. Cette conception partait essentiellement du principe d'action des fibres insolubles des produits céréaliers complets. Celles-ci accélèrent le transit par un simple effet mécanique, lié à l'adsorption d'eau par les selles. Aujourd'hui, l'opinion scientifique portant sur les fibres à fortement évolué. La présence de fibres solubles dans l'avoine, le blé, le seigle, les amidons résistants et, surtout, les prébiotiques (inuline, oligofructose, galacto-oligosaccharides, lactulose, lactitol...) ont profondément modifié le paysage des fibres alimentaires. On sait désormais que celles-ci exercent plutôt une action régulatrice, accélérant ou ralentissant le transit selon la motilité intestinale. Non digérés dans le grêle, ils sont fermentescibles et donc dégradés par la flore bactérienne intestinale. Résultats : ils augmentent chez l'adulte le poids de selles, variable qui est corrélée positivement à la vitesse du transit.
L'action régulatrice relève en fait de plusieurs mécanismes : pouvoir osmotique, augmentation de la biomasse bactérienne, stimulation de la motricité colique par les produits finaux de la fermentation tels que les acides gras à chaîne courte et augmentation de l'absorption colique proximale d'eau et de sodium. Les prébiotiques élèvent aussi la production de gaz intestinaux, issus de leur fermentation (H2, CH4, CO2) et, partant, peuvent induire un inconfort clinique en règle générale modéré (ballonnement abdominal, éructations, douleurs abdominales). Cet effet gazogène a d'ailleurs été suggéré comme un possible facteur déclenchant de l'accélération du transit. Bref, tout porte à croire que pour lutter contre le déraillement du transit, il est absolument indispensable de puiser parmi les aliments riches en fibres, en variant les types de fibres, de manière à profiter de leur action régulatrice et synergique.
Yaourt et « superyaourt » !
Le yaourt est l'allié des situations où l'intestin est mis à mal. Mais certaines souches autres que celle du yaourt classique donnent des résultats nettement plus tangibles. Ainsi, un yaourt avec la souche Bifidus essensis entraîne, dès le 15e jour, une diminution significative du temps de transit, et ce par rapport à un yaourt ordinaire. L'approche diététique gagne à exploiter plusieurs approches différentes en même temps, comme l'illustre une étude finlandaise récente. Le but de cette étude était d'examiner les effets du pain de seigle et d'un yaourt contenant le Lactobacillus GG (LGG) sur le temps transit intestinal et la fonction intestinale. Un total de 59 femmes constipées en bonne santé ont été réparties en quatre groupes d'intervention : pain de seigle, pain de seigle + yaourt au LGG, yaourt au LGG + toast pauvre en fibres, et contrôle. Durant 6 semaines, le temps de transit intestinal a été mesuré régulièrement et chaque volontaire devait retranscrire dans un journal la fréquence de défécation, la consistance des selles et les éventuels symptômes gastro-intestinaux. Verdicts : dans le groupe pain de seigle, les auteurs ont constaté une amélioration statistiquement significative du temps de transit intestinal, de la fréquence de défécation, de la consistance des selles et donc de la facilité d'exonération en comparaison des autres groupes. En revanche, la consommation importante de pain de seigle s'est accompagnée d'inconforts intestinaux passagers, fortement soulagés par l'association avec le probiotique.
Quel probiotique pour quel type de diarrhée ?
Les formes aiguës de diarrhée ne nécessitent pas souvent un traitement médical approfondi. Etant donné que la diarrhée induit des pertes d'eau importantes, il faut lutter de préférence contre la déshydratation en recourant à une solution de réhydratation par voie orale, d'un antidiarrhéique et d'un antispasmodique en cas de douleurs abdominales. Dans les formes sévères (fièvre, sang dans les selles, diarrhée très abondante), le suivi médical est indispensable. Le retour à une alimentation normale doit ensuite s'effectuer en douceur et devrait prévoir notamment une consommation de yaourt, afin de rétablir l'équilibre de la flore intestinale. Ces conseils généraux sont cependant à nuancer lorsque l'on veut faire des recommandations réalistes sur l'usage des probiotiques en thérapie. Vu les résultats positifs obtenus ces dernières années dans des formes variables de diarrhées avec différents probiotiques, on pourrait se dire que tous les probiotiques ont la même efficacité pour soulager la diarrhée. Avant toute chose, il faut tenir compte de plusieurs critères fondamentaux : la souche probiotique utilisée, la cible (adulte ou enfant), le protocole de l'évaluation clinique et l'agent causal de la diarrhée. Une étude randomisée en double aveugle contre placebo récente réitère toute l'importance de ce dernier critère. Les résultats, obtenus chez 230 enfants âgés de plus de 2 ans, montrent que le traitement avec le probiotique Lactobacillus paracasei STII est salvateur uniquement sur les diarrhées causées par les infections autres que celles à Rotavirus. Une démonstration par l'absurde de l'effet souche des probiotiques en somme...
Constipation et mythes
Une revue de la littérature publiée en 2005 révèle enfin qu'il existe toujours beaucoup de croyances autour du traitement de la constipation. Ainsi, le rôle un temps évoqué des hormones sexuelles dans la modulation des fonctions intestinales au cours du cycle menstruel apparaît démesuré, sauf peut-être au cours de la grossesse. L'hypothyroïdisme peut provoquer la constipation, mais vu la faible incidence de ce trouble hormonal, cette association doit être relativisée. Paradoxalement, il n'existe encore aujourd'hui aucune preuve évidente d'un soulagement efficace de la constipation par une augmentation de la consommation de liquide ou même de la présence d'une déshydratation. Ce constat montre la complexité du trouble et donc le besoin d'un traitement diététique global de la constipation. Des données s'accumulent par contre pour soutenir les bienfaits de l'activité physique sur le transit intestinal, ce qui inscrit une nouvelle fois le mouvement comme un nouveau nutriment essentiel...
Nicolas Rousseau Diététicien Nutritionniste .
Références: Hongisto SM et al., Eur J Clin Nutr. 2006 Mar;60(3):319-24. Sarker SA et al., Pediatrics 2006, 116(2): e-221-8 Muller-Lissner SA, Am J Gastroenterol. 2005 Jan;100(1):232-42.