L’atopie peut être définie comme une prédisposition, en principe d’origine génétique, à développer des manifestations d’allergie immédiate. On sait que le risque d’atopie est augmenté pour l’enfant si un de ses deux parents est allergique. Il l’est plus encore lorsque les deux parents le sont. Toutefois, il ne fait plus de doute aujourd’hui que d’autres facteurs, survenant en période anténatale, peuvent également jouer un rôle.
Dis-moi comment tu vis
Kummeling et al. (Pays-Bas) ont recueilli des données sur leurs antécédents d’atopie et leur mode de vie après de 1906 familles « conventionnelles » contactées, 453 familles « alternatives » (alimentation alternative, attitudes du même type face aux vaccinations, etc.). Il est apparu que dans les 7 premiers mois du post-partum, l’association entre les styles de vie et l’histoire familiale d’atopie est faible et dépend avant tout de la position de la personne atopique dans la famille. Si c’est l’un des parents qui est atopique, l’exposition à certains facteurs est significativement moindre que lorsque c’est un des enfants qui est atopique.
Un autre exemple est celui du milieu de vie pendant la grossesse. Bieli et al. (Suède) ont étudié un groupe d’enfants de 4 à 14 ans, dont la moitié environ (201/418) étaient nés de mères vivant à la ferme. Il est apparu que ce contact multiple avec différents animaux pouvait être crucial pour la stimulation du système immunitaire inné de l’enfant. Il y avait même une corrélation positive entre le nombre d’espèces animales auxquelles avait été exposée la mère lorsqu’elle était enceinte et le niveau d’expression des gènes en relation avec l’allergie qui ont été étudiés chez ces enfants.
Pas si simple
Le moment du contact avec les animaux de compagnie pourrait néanmoins être déterminant et plusieurs auteurs en sont arrivés à considérer que le contact courant de la future mère avec des animaux pendant sa grossesse (vie à la ferme par exemple) ne posait pas de problème, alors qu’une exposition plus tardive pouvait donner des résultats catastrophiques. C’est en tout cas ce que soutient une recherche conduite en Pologne par des chercheurs britanniques et polonais (Sozanska et al.) auprès de 1700 personnes, les unes habitant au village, les autres en ville.
Parmi les citadins, 20% étaient atopiques, contre 7% seulement chez les villageois. Le fait d’avoir vécu à la ferme au cours de sa première année était un facteur de moindre prévalence d’atopie, que l’on ait par la suite habité en ville ou que l’on soit resté à la campagne. L’environnement rural vécu dès la naissance serait donc moins susceptible que l’environnement urbain de provoquer des affections allergiques. Toutefois, d’autres constatations faites au cours de la même étude suggèrent que cette différence s’estompe avec l’âge si l’on quitte la campagne.
Ce que mange la maman
Les aspects nutritionnels ne sont pas indifférents. Une étude randomisée en double aveugle a été menée chez des femmes enceintes atopiques. Les unes ont reçu des suppléments d’huile de poisson, riche en acides gras polyinsaturés (PUFA), les autres des suppléments d’huile d’olive. Elles furent soumises à ce régime depuis la 20e semaine de gestation jusqu’à leur accouchement. Des analyses du sang de cordon ont révélé, entre autres choses, que sous régime « PUFA » la formation des éosinophiles et des basophiles était plus active. Leur nombre était significativement plus élevé dans le groupe « PUFA » que dans l’autre groupe. Cette modification était prédictive du devenir allergique de l’enfant à un an.
Linneberg et al. (Danemark) ont suivi dans une étude prospective 24.341 couples mère-enfant et ont interrogé la maman sur ses habitudes de consommation d’alcool. Ils ont aussi enregistré la survenue éventuelle d’une dermatite atopique chez l’enfant à l’âge de 18 mois. Leurs résultats suggèrent que la prise d’alcool au cours de la grossesse augmente le risque de dermatite atopique dans la petite enfance. Cet effet est surtout marqué pour les enfants à haut risque (deux parents atopiques) dont la maman consommait au moins quatre boissons alcoolisées par semaine à la trentième semaine de gestation.
Enfin, de nombreux travaux ont été publiés sur le rôle de la flore intestinale. Par exemple, les enfants nés par césarienne ne sont pas contaminés à la naissance par la flore féco-vaginale de la mère. Ils seraient donc en contact plus tardivement ou moins intensément avec certains allergènes apportés par cette flore. Leur tolérance à ces allergènes est moins développée, voire absente. Ce phénomène serait impliqué ultérieurement dans le développement de certaines allergies. Les recherches tendant à montrer l’importance des probiotiques dans l’équilibre qui s’installe au cours des premiers mois de la vie entre tolérance et immunité sont légion également. Leurs résultats sont bien connus et nous n’y reviendront pas ici.
Penser « environnement »
Il faut sans doute dépasser le problème de la ferme en tant que tel et penser en termes d’environnement. Une étude intéressante a été réalisée en Espagne par De Benito et al. dans deux villes du nord du pays, géographiquement très proches l’une de l’autre (20 km), Santander et Torrelavega. Dans toute la région, la sensibilisation aux acariens est importante, alors que la sensibilisation aux animaux de compagnie est peu fréquente. Au sein d’un échantillon de 300 jeunes adultes pour chacune de ces deux villes, à Santander, la prévalence annuelle des symptômes apparentés à l’asthme est de19,5%, contre 14,6% à Torrelavega. Les personnes présentant des symptômes de type asthmatique étaient plus fréquemment exposées aux animaux de compagnie que les habitants asymptomatiques (41% vs 14,1% à Santander et 23,5% vs 11,3% de l’autre côté). A Santander uniquement, les sujets atteints étaient proportionnellement plus nombreux à avoir vécu leur enfance dans cette ville que les personnes indemnes. Par contre, à Torrelavega seulement, les « asthmatiques » avaient plus fréquemment été exposés en bas âge au tabagisme passif que les personnes saines sur le plan respiratoire.
Merci, les virus
Il faudrait encore envisager le rôle des maladies virales encourues pendant la petite enfance mais nous n’avons guère la place de nous y attarder. Sachons que certains virus semblent faciliter l’apparition de manifestations allergiques : le virus respiratoire syncytial, agent de la bronchiolite du nourrisson et les rhinovirus, sont de ceux-là. Par contre, Certains virus seraient donc protecteurs, mais sachant ce que l’EBV et le CMV peuvent faire comme dégâts à d’autres niveaux, on est loin de souhaiter, même aux enfants asthmatiques, d’être infectés par ces deux charmantes petites bestioles…
Dr J. Andris
Références
Allergy Clin Immunol Int : J World Allergy Org, 2005; Suppl 1: abstracts 17, 85, 89 119, 823, 838, 865, 1532 et 1667.