Seniors et hydratation : y a de l'eau dans le gaz...

13/05/2006
Article

Le pool hydrique de l'organisme diminue avec l'âge : de 75% chez le nourrisson, il n'est plus que de 60% à 25 ans et atteint à peine 50% à 70 ans. Or, les besoins en eau ne diminuent pas avec l’âge, contrairement à une idée reçue, et ont toujours un impact considérable sur l’état général du senior (voir tableau), sans compter les constipations et risques cardio-vasculaires qui s’y ajoutent. La perte de la masse maigre, qui contient près de 80 % d'eau, est déterminante dans cette baisse du capital hydrique de l'organisme. De plus, le volume des apports hydriques spontanés baisse avec l'âge, alors que l'augmentation de l'osmolalité plasmatique n'est plus un stimulus efficace de la prise de boissons. Le rein régule moins bien l'eau de l'organisme et la sensation de soif est altérée.

Les diarrhées, les vomissements, les démences, la crainte de l’incontinence et certains traitements médicamenteux (principalement les diurétiques et les laxatifs) sont également des causes fréquentes, aggravantes de déshydratation. L'appréciation de leur état d'hydratation n'est pas non plus chose aisée. Il n'existe pas, à ce jour, de méthode d'évaluation fiable et reproductible applicable en pratique quotidienne. Tout au plus peut-on évaluer le niveau de risque d'une personne donnée. En clair, avec l’âge, tout concourt à ce que l’absorption de liquides boit la tasse et la personne âgée est presque constamment déshydratée…

Taux d’hydratation
et performance

Perte de 1%
de sa valeur normale
Perte de 2%
de sa valeur normale
Performance physique
Fatigue
Chute de la performance
Performance psychique
 
Temps de réaction et mémoire altérés

Boire avant d’avoir soif

Les personnes âgées ont une capacité limitée à équilibrer leur balance hydrique en cas de carence d'apport ou d'hyperhydratation. La perception de la soif diminue avec l'âge, probablement par perte de la sensibilité des osmorécepteurs et/ou des barorécepteurs.

Chez les sujets jeunes, la sensation de soif apparaît lorsque l'osmolalité plasmatique dépasse 292 mOsm/kg. Chez des sujets sains, âgés de 67 à 75 ans, cette sensation de soif est diminuée en cas de privation hydrique et n'apparaît souvent que pour des augmentations de l'osmolalité supérieure à 296 mOsm/kg. En outre, lorsqu'on propose de l'eau, ils en consomment significativement moins que les sujets jeunes. Phénomène aggravant, les capacités de concentration du rein sont altérées au même titre que ses possibilités d'éliminer une surcharge hydrique. Ces modifications sont amplifiées par la fréquente coexistence de pathologies liées à l'âge : hypertension artérielle, affections cardiaques ou cérébrovasculaires.

Les difficultés du dépistage

Les sujets âgés fragilisés ont un risque accru de déshydratation, qui passe souvent inaperçue tant qu'un événement intercurrent, tel que l'apparition d'un syndrome confusionnel, ne se manifeste pas. Le déclin cognitif et fonctionnel, voire le décès, sont des conséquences connues de la déshydratation et des états confusionnels. Le diagnostic est souvent tardif, car les signes cliniques ne sont pas spécifiques et n'apparaissent que pour des déshydratations avancées. La présence de comorbidités, telles qu'une insuffisance cardiaque ou une maladie neurologique, peut en modifier les signes et rendre leur interprétation plus délicate.

Les signes cliniques d'une déshydratation intracellulaire sont proches de la sensation de soif (sécheresse des muqueuses, fièvre, oligurie, constipation, …). En cas de déshydratation extracellulaire, on observe généralement une perte de poids, une tachycardie et une hypotension artérielle liées à l'hypovolémie, une hypotonie des globes oculaires qui sont enfoncés dans les orbites, des cernes ou un pli cutané persistant après pincement de la peau. L'hypotension orthostatique se manifeste par des malaises au lever.

Compte tenu du manque de spécificité des signes de déshydratation, il importe d’y penser systématiquement, de rechercher avec soin tous les signes cliniques évocateurs et faire précocement un bilan biologique.

Bon à savoir

La réhydratation n'est pas un geste anodin : il faut être très attentif au cours des 24 premières heures de prise en charge et surveiller notamment l'apparition de signe de survenue d'œdème aigu du poumon, de complication centrale à type d'oedème ou d'infarctus cérébral…

Changements climatiques

Les besoins en liquides sont importants : 2,5 litres par 24 heures. La moitié est fournie par les boissons, l'autre moitié par l'eau de constitution des aliments (sans compter ici l’eau d’oxydation ou eau métabolique). Cela signifie que plus les apports alimentaires diminuent, plus les besoins en eau de boisson augmentent. Il faut prévoir une augmentation de 300 à 500 ml par jour en cas de fièvre ou de forte chaleur. En effet, dans de telles conditions, la sudation est accrue entraînant elle-même une majoration des pertes hydriques.

L’exemple le plus marquant est représenté par la canicule de l’été 2003, qui a notamment sévèrement marqué la France. En effet, les études d’observation révèlent que les personnes âgées sont beaucoup plus sensibles aux changements climatiques et que les pertes en eau sont beaucoup plus importantes en été que chez les sujets jeunes.

En établissement de soins, les familles et le personnel soignant doivent surveiller les apports hydriques et vérifier la concentration et le volume des urines, rechercher une éventuelle constipation et contrôler régulièrement le poids. Il faut également encourager la personne âgée vivant à domicile à garder une bouteille d'eau en vue et penser à boire régulièrement, par petites quantités, au cours de la journée.

Vivre d’amour et d’eau fraîche

Avec ou sans soif, la boisson idéale reste l’eau, qu’elle soit du robinet, de source ou minérale. Une attention particulière doit cependant être portée aux eaux fortement minéralisées, qui posent notamment problème en cas de lithiase rénale, un phénomène qui s’accentue par ailleurs avec la déshydratation. Café, thé, tisanes, jus de fruits, lait, bouillons de légumes, les potages sont autant d’occasions de boire. La bière, le vin et les boissons sucrées contribuent aussi à l’hydratation, mais il ne faut évidemment pas négliger les dangers de leur surconsommation. Enfin, dans la mesure du possible, il faudra arrêter ou diminuer la posologie des diurétiques, laxatifs, psychotropes responsables ou aggravant la déshydratation. 

Nicolas Rousseau
Diététicien nutritionniste

Références:
Centre Evian pour l’EAU 2006. www.centre-evian.com
Stout NR et al. Gerontology 1999 ;45 :61-6
Campas F. Age et nutrition 2000 ; 11 :113-115
Westerterp KR et al, Br J Nutr 2005 ; 93(2) :199-203




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