La paresse intestinale est certainement LE trouble du transit chez la personne âgée. Logique, dans la mesure où l’hydratation optimale est un sérieux problème chez le senior pour des raisons physiologiques, mais principalement à cause de l’émoussement du réflexe de la soif. La première difficulté est donc d’arriver à faire boire, et surtout faire boire davantage si la déshydratation est larvée. La boisson idéale demeure l’eau, mais il ne faut certainement pas négliger l’intérêt des autres boissons. Moins insipides que l’eau (même si on peut discuter sur le goût de l’eau), les cafés, thés, tisanes, jus de fruits et de légumes, potages constituent des occasions de se désaltérer pour l’aîné, tout en y prenant du plaisir. La petite habitude du verre bière ou de vin ne doit pas être découragée, non plus, sauf si elle fait l’objet d’une assuétude. Même les sodas contribuent à l’apport de liquide. Le seul danger, s’ils ne sont pas light, est de fournir des calories non comptabilisées par l’organisme. Un phénomène à prendre en considération en présence d’un excès de poids, cependant relativement rare au grand âge. Certaines eaux minérales dites sulfatées ont également un effet purgatif léger bienvenu dans cette situation. A côté des apports liquidiens, une consommation importante de fruits et de légumes, naturellement riches en eau, intervient certainement aussi dans l’hydratation et le ramollissement des selles. Dans l’idéal, les aliments procurent quotidiennement près d’un litre d’eau, en majorité les végétaux.
Un grain de bon sens
Pour éviter que l’intestin ne se bloque à cause d’une masse d’aliments trop compacte ou trop sèche, l’eau ne suffit pas. Pour augmenter le volume des selles, il importe de privilégier simultanément les aliments riches en fibres : produits céréaliers complets, fruits et légumes (frais et sec), légumineuses et graines. En effet, tant les fibres insolubles des produits céréaliers complets (le seigle et l’avoine comportent aussi une bonne dose de fibres solubles) que les fibres solubles des autres végétaux contribuent à la normalisation du transit.
Les fibres insolubles ont généralement pour effet d’accélérer le transit et d’augmenter considérablement le poids de selles. A ce petit jeu, c’est le blé complet qui se révèle même le plus efficace. Les fibres solubles, fermentescibles, exercent plutôt une action régulatrice, accélérant ou ralentissant le transit selon la motilité intestinale. C’est le cas, notamment, de l’inuline et de l’oligofructose qui, en améliorant la composition de la flore intestinale, facilitent le travail de l’intestin.
Les végétaux comportent également toute une série de substances qui peuvent avoir un effet laxatif léger bienvenu (les polyols des fruits rouges, le tréhalose des champignons, l’ajugose des légumineuses, …). En revanche, il faut réfléchir à deux fois avant de recommander une supplémentation en fibres. Plusieurs études ont démontré qu’elle avait ses limites. Les bénéfices sont mitigés et un apport artificiellement plus élevé de fibres chez une personne âgée constipée a parfois tendance à s’atténuer avec le temps. De plus, il s’avère irritant pour la muqueuse de la paroi intestinale et provoque un inconfort qui n’est pas bien vécu par le senior.
Probiotiques : une question de souche
Les probiotiques participent activement à la santé de l’intestin, mais il faut cependant relativiser leurs effets sur le transit. En effet, ceux-ci sont étroitement liés à la souche bactérienne employée. Tous les probiotiques ne sont donc pas efficaces pour traiter la diarrhée ou réduire la constipation, voire le côlon irritable. Et la différence dans l’effet va même plus loin. Tous les Lactobacilles et tous les Bifidobactéries n’exercent pas une action probiotique ! La terminologie définit les ferments par un nom de genre (ex : Lactobacillus), d’espèce (ex : casei) et de souche (DN-114 001 ou defensis). Et c’est là que le fossé se creuse inéluctablement : ainsi, tous les Lactobacillus casei du marché, par exemple, ne sont pas des probiotiques, car ils ne sont pas tous doués de survie et ne possèdent pas tous des effets bénéfiques démontrés sur la santé de l’Hôte ou bien parce que leur potentiel effet bénéfique n’a pas encore été étudié. Il en est de même pour les Bifidobactéries. Seuls certains micro-organismes (comme par exemple, Lactobacillus casei Shirota et Bifidobacterium DN-173) ont clairement démontré un effet dans la constipation et quelques autres (Lactobacillus casei immunitas, Lactobacillus rhamnosus GG…) apportent une solution efficace à certaines formes de diarrhée, tout comme certaines levures enregistrées comme médicaments (Saccharomyces boulardii.
Le sucre du lait : pas de restriction
Avec l’âge, la consommation de produits laitiers a également tendance à diminuer, ce qui ne facilite pas l’assimilation du lactose ou sucre du lait, mais uniquement chez certains individus. Contrairement à certaines idées reçues, le déficit enzymatique acquis en lactase, si il touche entre 20 et 40 % de la population générale, ne s’accompagne de symptômes que chez la moitié des individus affectés. En fait, une activité lactasique très faible ne donne pas forcément des symptômes et nombreuses sont les personnes « alactasiques » qui tolèrent sans problème un à deux verres de lait. Chez les personnes sensibles, l’intolérance au lactose s’accompagne de sensations de ballonnements, de douleurs abdominales, voire de diarrhée dans le voisinage immédiat de la consommation de produits laitiers. Mais elle ne doit pas décourager la consommation de laitages pour autant, surtout en regard de leur contribution aux apports calciques et en vitamine D des aînés. Les fromages (surtout à pâte dure) et en particuleir les yaourts ne posent aucun problème de tolérance. Bien au contraire, dans le cas du bon vieux yaourt, les ferments spécifiques, Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus thermophilus, dégradent partiellement le lactose et entretiennent une activité lactasique virtuelle dans l’intestin puisqu’ils y arrivent vivants.
Pour stopper la diarrhée
Les formes aiguës de diarrhée ne nécessitent pas souvent un traitement médical approfondi. Etant donné que la diarrhée induit des pertes d’eau importantes, il faut lutter de préférence contre la déshydratation, particulièrement chez les personnes âgées. Traditionnellement, le traitement consiste en une solution de réhydratation par voie orale, d’un antidiarrhéique et d’un antispasmodique en cas de douleurs abdominales. Dans les formes sévères (fièvre, sang dans les selles, diarrhée très abondante), le suivi médical est indispensable. Le retour à une alimentation normale doit ensuite s’effectuer en douceur et devrait prévoir notamment une consommation de yaourt, afin de rétablir une flore intestinale équilibrée, voire de certains laitages probiotiques buvables, pour contrer l’action bactériostatique des antibiotiques. Mais encore une fois, l’important est de prendre tout épisode de diarrhée chez le senior, en particulier s’il se répète, car il précipite le risque de déshydratation avec les conséquences potentiellement sévères que cela suppose.
Nicolas Rousseau
Diététicien nutritionniste