L’avancée en âge et les différentes modifications qu’elle entraîne sur le plan cardiovasculaire ne constituent pas une évolution homogène des composantes de notre système circulatoire. Plus encore : si certaines fonctions semblent se ralentir avec les années, d’autres ne manifestent aucune modification, tandis que d’autres encore s’améliorent ou se renforcent.
Même chez les personnes indemnes de pathologies susceptibles de demander au cœur un effort accru, on constate avec l’âge une augmentation modérée de la masse cardiaque, témoignant d’une relative hypertrophie ventriculaire.
Dans certaines études, une modification de la forme du cœur a été rapportée, avec un déplacement vers la droite de l’aorte ascendante et un bombement du septum interventriculaire dans le ventricule gauche, entraînant un discret rétrécissement de ce dernier. Au microscope, les cellules musculaires cardiaques étaient un peu plus volumineuses mais leur nombre avait diminué. Des dépôts focaux de collagène étaient visibles.
Effort permis
Toutes ces modifications ont des répercussions sur l’efficacité fonctionnelle de l’organe. Toutefois, au repos, la fonction systolique ne change pas avec l’âge chez la personne qui ne souffre d’aucune pathologie cardiaque ou susceptible de retentir sur la fonction cardiaque. C’est avant tout au niveau diastolique que les modifications sont perceptibles : on voit notamment apparaître un moins bon remplissage en début de diastole et un remplissage plus important en fin de diastole. La seconde compense donc la première.
L’âge voit aussi s’installer une moins bonne réponse à la stimulation adrénergique du cœur et à l’exercice. Pour maintenir une réponse adéquate aux besoins métaboliques de l’organisme, le cœur doit donc accroître le volume de remplissage. C’est ce que l’on constate en effet. Moyennant cette adaptation, le cœur permet toujours au sujet âgé en bonne santé de produire des efforts intenses, sans toutefois l’autoriser à aller jusqu’au niveau d’intensité que pourrait atteindre une personne plus jeune. Toutefois, certaines de ces modifications évoquent celles que l’on retrouve à un degré plus élevé dans l’insuffisance cardiaque. Sans qu’aucune preuve n’en soit disponible à notre connaissance, la question est posée de la vulnérabilité de la personne âgée à ce genre de dysfonctionnement. Celle de l’intérêt des choix alimentaires évitant le risque d’accroître la charge cardiaque se pose également. On pense avant tout aux apports sodés.
Allongées et sinueuses
Les artères en bon état du sujet âgé son allongées et sinueuses. La lumière est élargie et la paroi épaissie. Les cellules endothéliales peuvent avoir des formes irrégulières et être plus épaisses que chez le sujet jeune. L’épaississement pariétal peut être lié à une augmentation du nombre des cellules musculaires lisse et de la quantité de collagène. On retrouve des macrophages en plus grand nombre que chez le jeune et les médiateurs de l’inflammation, même en dehors de tout processus pathologique, sont présents en plus grandes quantités. On ne peut s’empêcher de croire, en voyant ces modifications, de les rapprocher de celles que l’on voit aussi dans l’athérosclérose et de se dire que les artères du patient âgé sont plus enclines à la formation de plaques que les artères du jeune individu.
En conséquence, bien qu’il ne semble pas y avoir eu d’études abordant la question, on peut suspecter que les mesures alimentaires destinées à prévenir l’athérosclérose sont plus que jamais recommandées chez la personne âgée.
Perméabilité membranaire
La composition lipidique de la membrane des cellules cardiaques (et d’autres cellules encore) se modifie elle aussi avec l’âge. Ce n’est pas sans conséquences car cette composition détermine la conformation et la position de nombreuses protéines fonctionnelles présentes dans la membrane de la cellule ou celle des organites intracellulaires. On constate dans ses études biochimiques de ces structures une augmentation du contenu en acide arachidonique et une diminution de celui de l’acide docosahexaénoïque. Il a été montré expérimentalement que des membranes enrichies en acides gras oméga-3 avaient une propension à favoriser une charge calcique intracellulaire réduite, tandis que l’enrichissement en oméga-6 favorisait une surcharge calcique des cellules.
On connaît le rôle du calcium dans la dépolarisation de ces membranes et le risque d’arythmies qui peut découler d’un excès de calcium. De là à dire si des modifications des apports alimentaires en acides gras polyinsaturés peuvent inverser la tendance, il ne semble pas que des études aient répondu à la question.
Maîtriser le risque
Le métabolisme oxydatif des cellules cardiaques mérite également qu’on s’y attarde. Des études très pointues réalisées sur des cardiomyocytes de coeurs sénescents ont montré que ces cellules avaient un seuil abaissé de production de radicaux libres. L’une des conséquences de ce phénomène est l’altération facilitée des lipides membranaires. Il est possible que cela entraîne des conséquences comparables à celles qu’on a évoquées plus haut sur la perméabilité membranaire, les mouvements calciques et le risque d’arythmies.
Au niveau des mitochondries cardiaques, l’excès de radicaux libres peut aussi altérer l’efficacité de la voie métabolique productrice d’énergie. Ce qu’on a pu montrer, c’est qu’une alimentation enrichie en acides gras oméga-3 prévient l’appauvrissement de la membrane mitochondriale en cardiolipine, co-facteur de plusieurs enzymes de la chaîne respiratoire.
Il existe par ailleurs un large faisceau d’arguments pour considérer qu’un bilan inadéquat en antioxydants accroît le risque d’insuffisance cardiaque, d’atteinte cardiovasculaire et d’AVC.
Des suppléments en antioxydants peuvent contribuer à la prévention de ces affections. Mais ces effets sont plus marqués avec les fruits et légumes riches en antioxydants qu’avec des préparations destinées à la supplémentation ou à des usages pharmacologiques. On considère d’ailleurs que des apports insuffisants en fruits et légumes augmentent nettement le risque de ces troubles cardiovasculaires. Par contre, une consommation accrue de fruits et légumes est susceptible d’augmenter la capacité antioxydante du plasma et est associée à une diminution du risque de maladies cardiovasculaires, parmi toute une série d’autres affections.
Penser aux artères
On a vu la place des phénomènes oxydatifs dans les troubles cardiaques mais il ne faut pas oublier non plus que les phénomènes oxydatifs jouent un rôle central dans l’athérosclérose également. On connaît en effet le risque lié aux LDL oxydés. C’est à ce point que l’on voit venir le moment où cette composante du lipidogramme prendra sans doute plus de poids dans l’évaluation du risque cardiaque et vasculaire que le LDL lui-même. Voilà donc encore une bonne raison pour disposer d’un capital antioxydant suffisant.
Dr Jean Andris
Références:
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