Vitamine D : sous la soleil, la santé...

13/04/2006
Article

Le profil de santé de la vitamine D a bien changé. En effet, il a suffi de quelques mois bouillonnants de découvertes scientifiques pour élargir considérablement son spectre d’activité. Désormais, de faibles concentrations sanguines en vitamine D ne seraient plus associées uniquement à un risque élevé de fractures, mais également à des pathologies aussi hétéroclites que l’hypertension, les maladies respiratoires et certaines formes de cancer… S’il est encore difficile aujourd’hui d’établir un lien de cause à effet, les données plaident cependant pour une prise en considération plus importante de la carence en cette vitamine, un phénomène loin d’être isolé.

Des carences toute l’année

En effet, la plupart des femmes âgées seraient carencées en vitamine D. Plus précisément, près de 2/3 des femmes postménopausées présentant de l’ostéoporose seraient déficientes en vitamine D, selon une étude néerlandaise (1). Ce constat émane d’un travail d’analyse portant sur 2589 femmes réparties dans 18 pays, à travers l’Europe, le Moyen-Orient, l’Amérique latine et la région pacifique de l’Asie. La déficience en vitamine D (moins de 30 ng/ml de sang) est même une réalité, indépendante de la latitude et de la saison. En effet, la carence moyenne était de l’ordre de 64 % en moyenne, avec 59 % pour les femmes recrutées dans l’étude en été et 69 % pour les femmes recrutées en hiver.

Le manque de vitamine D est aussi clairement identifié comme un facteur de risque indépendant de la fracture de la hanche après 60 ans (2). Dans une étude écossaise (3), conduite auprès de 548 patients de plus de 60 ans pendant 4 ans, 97.8 % de l’échantillon avait des taux moyens de vitamine D en dessous de la normale, quelle que soit la saison. Et dans 25 % des cas, les taux étaient même si bas qu’ils étaient non mesurables ! Ce constat pose donc question sur la recommandation singulière d’une supplémentation hivernale chez l’homme ou la femme après 50 ans.

Du soleil et je respire?

Parmi les implications assez inattendues de la vitamine D, il faut citer la fonction pulmonaire. 
Une étude néo-zélandaise (4) conduite auprès d’un échantillon de 14000 jeunes adultes a récemment montré que les individus présentant des taux plasmatiques bas en vitamine D avaient plus de difficultés respiratoires que celles qui affichant des taux plus élevés. L’effet positif de la vitamine D s’exprimerait même à la spirométrie selon une relation dose-réponse pour le volume respiratoire forcé après 1 seconde (CVF) et le volume expiratoire forcé après 1 seconde (VEMS). Pour les auteurs de l’étude, les différences en termes de fonction pulmonaire exprimées entre les quintiles extrêmes de taux sériques de vitamine D seraient encore plus importantes que celles observées entre fumeurs et non-fumeurs ! Les pistes de mécanismes évoquent que l’effet de la vitamine D se marquerait au niveau de la croissance et de la réparation cellulaire de l’arbre respiratoire.

Une autre étude, entreprise par une équipe de la faculté de médecine de Harvard (5), souligne une protection de la vitamine D contre l’asthme et les sifflements chez l’enfant. Particularité de l’effet cependant : dans cette étude, il a été mesuré après l’observation d’un taux élevé de vitamine D maternel au cours de la grossesse. Il apparaît que pour chaque augmentation de l’apport alimentaire de 100 UI de vitamine D, il est associé un odds ratio de 0.9 pour tous les sifflements de l’enfant au cours des deux premières années de vie. Il reste maintenant à étudier si cet effet préventif perdure au fur et à mesure que l’enfant grandit.

L’inflammation et les cancers

La vitamine D n’a pas fini pour autant de nous surprendre, comme le suggère une étude américaine (7) conduite entre 1988 et 1994 auprès de 6700 individus. Dans cet essai, les personnes qui avaient les taux sanguins en vitamine D les plus élevés avaient 20 % de risque en moins de développer une gingivite. Derrière cet effet, on retrouverait des propriétés anti-inflammatoires de la vitamine D, qui sont aujourd’hui encore mal définies.

Une autre étude, menée par une équipe de l’Université de Californie (8) va encore plus loin en révélant que la correction de la carence en vitamine D pourrait abaisser significativement le risque de plusieurs types de cancer. La vitamine D bloquerait, en fait, l’angiogenèse et donc la croissance de nouveaux vaisseaux. Cette méta-analyse relève un effet protecteur important à l’égard du cancer du côlon, de la prostate, du sein et des ovaires. Dans le cas précis du cancer de la prostate, les avis sont néanmoins encore fort partagés. Certaines études n’ont pas identifié d’action préventive de la vitamine D. Mais d’autres (9) ont clairement proposé des explications mécanistiques approfondies de son activité antitumorale sur certains cancers de la prostate : le cholécalciférol bloquerait en réalité l’activité de deux enzymes, la matrix métalloprotéinase et la cathepsine, toutes deux impliquées dans l’invasion des cellules cancéreuses prostatiques. Et il stimulerait aussi en contrepartie les enzymes inhibitrices de ces deux protéases.

L’os n’est pas en reste

En dépit de ces nouvelles voies d’action, les bénéfices de la vitamine D pour le squelette restent plus que jamais d’actualité, y compris en période prénatale. C’est en tout cas ce qu’ont découvert des chercheurs de l’Université de Southampton (10) à la faveur d’une supplémentation en vitamine D au cours de la grossesse. L’originalité de cette étude réside dans l’observation d’un lien étroit entre le statut en vitamine D de la mère au cours de la grossesse et la densité minérale osseuse de son enfant vers l’âge de 9 ans. Les enfants de mères déficientes ont une moins bonne densité minérale osseuse que les enfants ayant des apports suffisants… En effet, des concentrations réduites en vitamine D (49 % de l’échantillon) dans le sang au cours du dernier trimestre de la grossesse s’accompagnent d’une réduction significative du contenu minéral osseux total de l’organisme de l’enfant, avec un accent particulier au niveau de l’épine lombaire.

Le niveau d’exposition solaire et le recours à la supplémentation constituent les facteurs les plus prédictifs de ce phénomène. Pour les auteurs, ces résultats supportent le rôle important du développement intra-utérin et postnatal dans l’accrétion osseuse et pointent également l’importance de nouvelles évaluations sous la forme d’essais cliniques randomisés.

Enfin, pour terminer ce large tour d’horizon de la littérature, il faut citer également l’impact favorable de la supplémentation en vitamine D sur le risque de chutes chez la personne âgée. Une récente étude randomisée contre placebo (11) estime cette réduction à près de 50 % et plus encore chez les femmes actives (65%). Très intéressant, dans la mesure où le prix de cette intervention est plus que raisonnable en regard des coûts prohibitifs d’une hospitalisation pour une fracture du col du fémur…

Nicolas Rousseau
Diététicien nutritionniste

Références:
Annual Meeting of American Society for Bone and Mineral Research, 30 septembre 2005
Dixon T et al Curr Med Res Opin 2006; 22(2): 405-15
Gallacher SJ et al, Curr Med Res Opin. 2005 Sep;21(9):1355-61
Black PN Chest. 2005;128(6):3792-8
Annual Meeting of the American Academy of Allergy, Asthma and Immunology, 6 mars 2006 
Steingrimsdottir L et al JAMA. 2005 Nov 9;294(18):2336-41
Dietrich T et al, Am J Clin Nut 2005; 82(3): 575-80
Garland CF, Am J Public Health. 2006 Feb;96(2):252-61. 
Lee YF et al, Carcinogenesis 2006; 27(1): 32-42
Javaid MK et al The Lancet 2006 ; 367(9504) :36-43 
Bischoff-Ferrari H et al. Archives of Internal Medicine 2006 ;166 :424-430




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