Prébiotiques et minéraux: des espoirs et des inconnues

13/10/2005
Article

Il est sans doute inutile de rappeler combien le maintien d’apports calciques suffisants au cours de la vie demeure un geste santé capital à part entière. Dans les stratégies qui consistent à améliorer le statut minéral calcique, la voie qui consiste à améliorer son assimilation est suivie avec intérêt. Et dans ce domaine, quelques candidats de la famille des glucides non digestibles, en particulier certains prébiotiques comme l’inuline extraite de la racine de chicorée, tirent leur épingle du jeu.

Faites entrer le calcium!

Dans l’organisme, le calcium est absorbé majoritairement selon deux mécanismes: un transport transcellulaire actif, mais saturable, et un transport paracellulaire passif non saturable. Quelques études animales et quelques rares études humaines supportent un effet bénéfique du lactulose, du lactose, du mannitol, des amidons, de la pectine, des galactooligosaccharides et des fructanes de type inuline sur l’assimilation intestinale du calcium. Chez l’homme, cependant, c’est avec les fructanes que l’on dispose des données les plus consistantes, et, dans une moindre mesure, avec les galactooligosaccharides. Concernant ce dernier, justement, la principale étude portant sur le sujet (1) a observé que les transgalactooligosaccharides augmentent l’absorption calcique de 16 % chez les femmes ménopausées. Cette amélioration est significative, quand on sait qu’environ 25 à 35 % du calcium alimentaire est d’ordinaire absorbé, et que cette absorption baisse avec l’âge.

Une fermentation acide

Les mécanismes sous-jacents à cette potentialisation de l’absorption calcique ne sont pas encore clairement identifiés. Plusieurs hypothèses sont formulées. La première reposerait sur la fermentation bactérienne des prébiotiques dans le côlon, ce qui provoque une diminution du pH luminal via la production d’acides gras à chaîne courte (butyrate, propionate, acétate). Cette acidité accrue augmente la solubilisation du calcium et, donc, favorise sa pénétration dans les colonocytes.

Une seconde hypothèse est celle d’un effet trophique des glucides non digestibles sur la muqueuse intestinale: le butyrate, par exemple, est un substrat préférentiel des colonocytes qui se multiplient et augmente donc la surface d’absorption théorique dans l’intestin. D’autres possibilités, en cours d’exploration, envisagent une action sur les jonctions serrées et l’absorption paracellulaire, un mécanisme d’échange ionique, voire un rôle de modulateur dans le phénomène de transport actif du calcium, contrôlé par la vitamine D.

Quelques privilégiés seulement

A l’heure actuelle, l’essentiel des études a été réalisé expérimentalement, principalement sur des modèles animaux. Mais une nouvelle technique de mesure de l’absorption calcique devrait permettre d’évaluer mieux aujourd’hui l’influence des glucides non digestibles et des prébiotiques sur les minéraux chez l’homme. Elle repose sur la distribution d’isotopes stables dans l’organisme et fait l’objet de nombreuses recherches en cours. Dans l’état actuel des connaissances, on peut affirmer que l’augmentation de l’assimilation minérale ne concerne seulement que quelques minéraux: le calcium et le magnésium, avant tout, et dans une moindre mesure, le zinc, le cuivre et le manganèse. Mais certains paramètres peuvent influencer considérablement l’effet du glucide non digestible: la structure et le degré de polymérisation (en clair, la longueur de la chaîne de la molécule), l’amplitude de la fermentation acide (et la baisse du pH), le traitement et la cuisson (la présence d’amidon résistant potentialise l’action), ainsi que la présence de certains nutriments (l’acide phytique des céréales diminue l’action des fructanes).

Chez l’ado

Un nombre important d’études a été conduit chez l’adolescent, mais elles portaient généralement sur de courtes durées et se révélaient parfois inconsistantes. Récemment, les résultats d’une étude (2) à plus long terme ont été publiés. Des chercheurs du Baylor College of Medicine et du Texas Children’s Hospital de Houston ont suivi 100 garçons et filles âgés en moyenne de 11 ans pendant un an. Ces jeunes devaient consommer chaque jour l’équivalent de 8 g d’un mélange d’inuline et d’oligofructose ou un placebo (de la maltodextrine). Des mesures du contenu minéral de l’os et de la densité minérale osseuse ont été effectuées au début de l’étude, après 8 semaines et après 1 an. L’absorption du calcium était, elle, évaluée par la fameuse technique des isotopes stables.

Résultats: après 8 semaines, déjà, l’absorption calcique était augmentée de 8.5 % par rapport au groupe contrôle et après 1 an, ce chiffre se stabilisait aux alentours de 6 %. Après un an toujours, le groupe fructanes enregistrait aussi une différence de 35 g environ dans l’augmentation du contenu minéral osseux de tout le squelette par rapport au groupe témoin. Enfin, la densité minérale osseuse affichait un gain net de 0.015g/cm2 avec le prébiotique. Cet effet est considéré comme significatif par les auteurs, surtout à une période charnière comme la puberté. Et de fait, on estime aujourd’hui qu’une amélioration de la balance calcique à cette époque de la vie peut s’accompagner d’une augmentation de 5 à 10 % du pic de masse osseuse, qui elle-même pourrait théoriquement réduire plus tard dans la vie le risque fracturaire au niveau de la hanche de près de 50 % (3)!

L’ostéoporose dans la ligne de mire

Mais même si des données récentes indiquent une amélioration de la densité minérale osseuse avec ce type d’ingrédient alimentaire, il faut demeurer prudent. Plus de recherche est nécessaire pour explorer si les glucides non digestibles peuvent réduire la prévalence de l’ostéoporose, notamment en étudiant si leurs effets sur la densité minérale osseuse persistent encore à plus long terme. Certaines études chez la femme ménopausée suggèrent une amélioration de certains marqueurs de la formation et de la résorption osseuses, et indiquent un gain net de contenu minéral osseux, mais ils sont encore préliminaires. En attendant, on trouve toutefois ici un argument supplémentaire en faveur d’une consommation d’aliments riches en fibres alimentaires.

Nicolas Rousseau
Diététicien nutritionniste

Références:
van den Heuvel EG et al J Nutr 130:2938-2942, 2002. 
Abrams SA et al. Am J Clin Nutr 2005;82(2):471-6
Coxam V. Brit J Nutr 2005 ; 93 (S1), S111-S123




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