Il y a longtemps que les émules de Brillat-Savarin savent que l’apéritif, c’est-à-dire une petite quantité d’alcool consommée avant le repas, stimule les sécrétions gastriques. Tout cela, d’ailleurs, est mis en pratique de longue date dans la tradition gastronomique française. Mais on s’aperçoit aujourd’hui que les aliments ou boissons pris avant ou pendant le repas, exercent bien d’autres régulations, tantôt sur des taux hormonaux, tantôt sur la satiété, tantôt sur d’autres paramètres encore.
A votre santé
Mais revenons à l’apéritif. Au récent congrès de l’European Asssociation for the Study of Diabtetes, qui s’est tenu à Athènes en septembre, Fatema et al. (Australie) ont présenté les résultats d’une étude qu’ils ont menée chez huit sujets jeunes en bonne santé. Ces jeunes avaient 18 à 25 ans et leur BMI se situait dans la même fourchette de chiffres (18 – 25). Ils ont ingurgité 20 g d’alcool sous forme de différentes boissons (vin, gin, bière) une heure avant le repas, ou de l’eau à titre de contrôle. Chacune de ces boissons avait fait l’objet d’une séance différente et l’ordre des séances dédiées à chacune d’entre elles avait été déterminé de manière aléatoire. Trois heures auparavant, ils avaient à chaque fois consommé un petit déjeuner standardisé. Le repas principal, pris une heure après l’alcool, était lui aussi standardisé de manière à apporter 75g de glucides. La glycémie et l’insulinémie furent ensuite mesurées toutes les deux heures.
Un nouveau mécanisme?
Il est apparu que cette dose d’alcool prise une heure avant le repas diminuait significativement la glycémie, mais pas l’insulinémie. Et la diminution obtenue était plus importante pour la bière et le vin que pour le gin. Si ces résultats se confirment, concluaient les auteurs, il se pourrait bien que l’on trouve là un nouveau mécanisme par lequel la consommation modérée d’alcool protégerait contre les affections cardio-vasculaires, à côté du mécanisme qui agit sur la lipémie et de celui qui freine la thrombogénèse. Mais si l’on s’en tient à la gastronomie, on sait aussi que des quantités importantes d’alcool ne sont pas intéressantes pour la digestion et que les alcools forts sont loin de constituer des apéritifs idéaux. Et en bons belges, nous considérerons qu’il n’est donc pas idiot de prendre une bière à l’apéritif.
Place au plat principal
Si on s’avance plus loin sur le menu, on en arrive au plat de consistance. On sait que des repas à faible index glycémique sont susceptibles de prolonger la sensation de satiété. Rizkalla et al. (France) ont même obtenu, à long terme, une diminution de la masse grasse et une tendance à l’augmentation de la masse maigre avec ce type de mets. Du moins, c’était le cas chez des sujets sains en surpoids, mais pas chez des patients diabétiques de type 2. La différence d’effets entre repas à faible et à haut index glycémique tiendrait-elle à la leptine? Pour le savoir, deux groupes de volontaires ont été constitués par Rizkalla et al., dans une nouvelle étude. L’un de ces deux groupes était constitué de sujets en surpoids (BMI 28 ± 1) et l’autre de diabétiques de type 2. Chacun de ces deux groupes fut assigné à un régime de 4 à 5 semaines fait de repas à faible index glycémique (low glycaemic index, LGI) puis pendant 4 à 5 autres semaines à un régime à index glycémique élevé (high glycaemic index HGI). Pour chaque groupe, un intervalle de wash-out de 4 à 5 semaines séparait les deux périodes tests.
Une conséquence, pas une cause
Chez les sujets en «bonne santé», le taux de leptine était déjà plus faible après un jour avec le LGI qu’avec le HGI. On peut qualifier cela d’effet aigu. Et à la fin des périodes LGI, la leptine plasmatique s’était encore abaissée. Pendant la phase HGI, il n’y eut pas de changement du taux de leptine. Par contre, chez les patients diabétiques, aucun changement ne fut enregistré, ni pendant la phase LGI, ni pendant la phase HGI. Ces données suggèrent que, contrairement à ce qu’on a cru antérieurement, il n’est pas possible que des taux de leptine abaissés soient une cause de réduction de la satiété, mais au contraire qu’ils pourraient être une conséquence de la diminution de la masse graisseuse totale.
Sucre et «bonnes» graisses»
Radulian et al. (Roumanie), de leur côté, ont comparé chez le diabétique de type 2 des repas à faible teneur en glucides ou en en graisses. Ils ont montré qu’au cours des six mois de leur étude, les patients qui consommaient peu de glucides perdaient plus de poids que ceux qui étaient sous régime pauvre en lipides. Le taux de triglycérides et la glycémie à jeun s’étaient également abaissés de manière plus importante sous le premier mode alimentaire que sous le second. Mais les auteurs n’ont pas noté de changements dans la pression sanguine de ces patients, qui était trop élevée au début de l’étude.
Restait à se demander si le type de lipides ingurgités avait une influence sur ces paramètres du syndrome métabolique chez les patients diabétiques de type 2. Rivellesse et al. (Italie) ont montré qu’un repas riche en acides gras mono-insaturés ne semble pas modifier la sensibilité à l’insuline chez de tels patients. Mais ce type de régime modifie la tolérance post-prandiale aux lipides, en ce sens que la réponse post-prandiale des petites VLDL, qui sont considérées comme athérogènes, est atténuée.
Parmi les derniers venus
Les cannabinoïdes ont beaucoup fait parler d’eux ces derniers temps. Ils ont un effet sur la douleur. Ils reviennent régulièrement à la une de l’actualité en tant que drogue dite «douce» mais on commence à leur trouver des effets nuisibles chez l’usager intensif de longue durée. Enfin, ils interviennent sur la régulation de l’appétit. Le récepteur CB1 des cannabinoïdes est surtout présent dans le cerveau, le tissu adipeux et sur les cellules de l’immunité. On attend l’arrivée prochaine d’inhibiteurs de ces récepteurs, qui seront utilisés dans le traitement du syndrome métabolique. Ils font en effet maigrir en inhibant la fonction orexigène des cannabinoïdes.
C’est déjà pas mal, mais on ne savait pas encore jusqu’ici si son expression était régulée par les aliments. C’est maintenant chose (en partie) faite puisque Knerr et al. ont étudié cette question chez des personnes d’âges différents, exemptes d’intolérance au glucose. Ils ont démontré une inhibition de l’expression du CB1 par le glucose. Par contre, cette diminution est moins forte, voire inversée (stimulation) chez la personne âgée.
Encore un mystère
On ne comprend pas encore pourquoi cette différence se manifeste entre les personnes les plus jeunes et les plus âgées. Mais vu l’implication du système des cannabinoïdes dans l’obésité et le syndrome métabolique, il faudrait des études pour chercher à savoir si l’obésité du sujet âgé est différente de celle du jeune. Cela pourrait bien entendu avoir des conséquences sur la réponse au traitement par inhibiteurs, mais cela, on n’en sait encore rien. Il faudrait aussi étudier les conséquences de cette différence sur les cellules immunitaires, sur le diabète et l’athérosclérose.
Dr Jean Andris
Références
Diabetologia, 2005 ; 48 (Suppl 1) abstracts PS 735, PS 736, PS 737, PS 740 et PS 741.