Pour agir sur le taux de cholestérol sanguin, ce sont généralement les lipides alimentaires qui figurent en première ligne. Leur effet est cependant loin d’être bien connu du grand public. Ainsi, le cholestérol alimentaire attire souvent l’attention, alors qu’il ne constitue pas la première des priorités, même si son apport gagne à être maîtrisé. Les mentions telles que « sans cholestérol » ou « 0 % de cholestérol », si elles correspondent à une réalité pour les produits qui les revendiquent, contribuent de ce fait à focaliser l’attention sur cet « ennemi public numéro un », parfois au détriment de l’objectif principal qui consiste à réduire les acides gras saturés (et les trans).
Les acides gras mono-insaturés, eux, ont le vent en poupe : leur ambassadeur, l’huile d’olive, est un fleuron du modèle méditerranéen, à qui l’on attribue aussi des effets hypocholestérolémiants souvent exagérés : l’avantage des mono-insaturés est d’améliorer légèrement le rapport entre le cholestérol LDL et le HDL, mais leur influence sur le taux de cholestérol total est limitée. Les acides gras poly-insaturés, en particulier ceux de la famille oméga-6 retrouvés notamment dans les huiles de tournesol et de maïs, ont un effet hypocholestérolémiant bien documenté. Celui-ci porte sur le LDL, mais aussi sur le HDL, surtout lorsque c’est dans le cadre d’une alimentation hypolipidique. Enfin, les acides gras oméga-3 contribuent à améliorer le rapport LDL/HDL, mais comme les mono-insaturés, ils n’ont que peu d’influence sur le cholestérol total.
Allégations de santé
Le règne végétal connaît de nombreuses autres pistes qui, à ce jour, ont un effet documenté sur la cholestérolémie. C’est le cas des produits enrichis en stérols ou stanols végétaux, qui, à ce jour, détiennent l’effet hypocholestérolémiant le plus marqué pour un aliment isolé. Signe de reconnaissance, la Food and Drug Administration (FDA) américaine autorise une allégation de santé pour ces produits, et leur recours fait partie des recommandations nutritionnelles américaines en cas d’hypercholestérolémie.
Certaines fibres alimentaires s’avèrent aussi capables de réduire la cholestérolémie, même si l’effet est moins marqué. C’est en particulier le cas de l’avoine et du psyllium, riches en bêta-glucanes, et ces deux aliments bénéficient aussi d’une allégation de santé accordée par la FDA. Le soja a aussi fait ses preuves : ses protéines réduisent significativement le LDL, sans toucher au HDL, et la FDA autorise une allégation de santé pour autant qu’un produit en contienne au moins 6,25 g et qu’il précise qu’il faut ingérer 25 g de protéines de soja par jour.
Mystère végétal
Il y a bien d’autres denrées du règne végétal qui sont susceptibles d’apporter leur contribution à l’effet hypocholestérolémiant, mais leurs effets individuels ne sont pas clairs. Pourtant, il ressort clairement des études qu’une alimentation riche en végétaux (légumes, fruits, produits céréaliers complets, légumineuses…) est associée à un profil lipidique favorable. D’ailleurs, lorsque l’American Heart Association a révisé, en 2000, ses recommandations de 1993 et 1996, elle a mis l’accent, en marge des aspects lipidiques, sur la composante végétale de l’alimentation, en encourageant notamment la consommation de légumes et de céréales complètes.
Lorsque l’on se penche sur la composition nutritionnelle des personnes qui adoptent une alimentation a tendance végétarienne, on observe que le profil en acides gras est nettement plus favorable, avec moins de saturés et plus d’insaturés. Difficile dès lors de faire la part des choses entre l’effet hypocholestérolémiant des acides gras, et celui inhérent à d’autres caractéristiques. C’est précisément pour percer ce mystère que des chercheurs de la Stanford University, en Californie, ont mis sur pieds un essai clinique comparant deux types d’alimentation apportant la même quantité de lipides totaux, d’acides gras saturés et de cholestérol.
Gousse d’ail
Dans cette étude, cent vingt adultes âgés de 30 à 65 ans et présentant une hypercholestérolémie modérée (LDL de 130 à 190 mg/dl) ont été répartis dans deux groupes pour suivre un régime modérément hypolipidique pendant 4 semaines. Tous deux comportaient 30 % de l’énergie sous forme de lipides, 10 % de l’énergie sous forme d’acides gras saturés et environ 100 mg de cholestérol par jour. Dans le premier groupe, il s’agissait de suivre une alimentation « classique », faisant appel à de nombreux aliments à teneur réduite en graisse. Il y avait des fromages allégés, des lasagnes pauvres en graisses, des snacks allégés en graisses et riches en sucre. Dans le second groupe, l’alimentation a été conçue pour apporter sensiblement plus de légumes, de légumes secs (pois, fèves, lentilles…) de céréales complètes et des fruits. Il comportait en outre des protéines de soja, à raison de 16 g pour 2000 kcal, de l’ail (1,4 gousse par jour), du soja (16 g de protéines de soja par 2000 kcal. Ce régime contenait nettement plus de fibres que l’autre régime, la différence s’élevant à 20 g, dont un tiers sous forme de fibres solubles.
Pour que l’apport en macronutriments soit rigoureusement identique entre les deux groupes, il a fallu procéder à des adaptations pour le moins surprenantes dans le cadre d’un régime visant à réduire la cholestérolémie : augmenter la teneur en acides gras saturés et en cholestérol du groupe « végétal », ce qui a été atteint en incorporant du beurre, du fromage et des œufs…
Double effet
Au terme de la période d’intervention, les auteurs ont observé un effet hypocholestérolémiant pratiquement deux fois plus important dans le groupe riche en végétaux, par rapport au régime ordinaire. Le cholestérol total affiche une réduction de 17,6 mg/dl dans le groupe « végétaux » (contre 9,2 mg/dl ans l’autre), et le LDL diminue de 13,8 mg/dl (contre 7,0 mg/dl). Les différentes sont statistiquement significatives pour ces deux paramètres. Par contre, aucune différence significative n’apparaît pour le cholestérol HDL ou pour les triglycérides.
Cette étude confirme donc bel et bien qu’au-delà de l’effet propre aux lipides, il y a un bénéfice supplémentaire à élargir les mesures diététiques de base à une alimentation plus riche en légumes, céréales complètes, légumineuses et fruits. Précisons cependant que dans cette expérience, tous les repas et boissons étaient fournis aux participants afin de permettre un contrôle des ingesta et une compliance élevés. Cela ne renseigne donc pas sur la faisabilité ni sur les effets à long terme. Bref, la science montre que « ça marche », reste encore à se pencher sur les moyens qui permettraient d’appliquer durablement des principes « scientifiquement fondés ».
Nicolas Guggenbühl
Diététicien Nutritionniste
Référence :
Gardner CD et al. Ann Intern Med 2005;142(9):725-33.