PhytoPrevent, une exploration des phyto-oestrogènes

13/01/2005
Article

Les phyto-oestrogènes (PE) font partie, au même titre qu’un nombre croissant de composés disséminés dans le règne végétal, de ces substances qui n’ont pas de caractère essentiel, mais qui retiennent une attention particulière. Les PE présentent des similitudes structurelles avec les oestrogènes des hormones, ce qui leur confère une faible activité oestrogénique et une activité anti-oestrogénique. Ces propriétés en font des candidats pour moduler le risque de cancer qui se développent dans des tissus hormono-dépendants tels que les tissus mammaires et prostatiques.

Recherche européenne

L’activité des PE offre une explication potentielle à certaines données épidémiologiques, montrant que la prévalence du cancer du sein est sensiblement plus faible dans les contrées où la consommation de soja, un des principaux fournisseurs d’une catégorie de PE, les isoflavones, est traditionnellement élevée (en Asie).

Mais ce n’est pas suffisant pour arriver à formuler des recommandations concrètes, et l’on sait par ailleurs qu’il existe une deuxième grande famille de PE que sont les lignanes, présentes dans plusieurs catégories d’aliments, essentiellement dans les céréales, les légumes et les baies. C’est bien pour mettre un peu de lumière dans ce domaine déjà très médiatisé, mais pas si documenté, que le projet PhytoPrenvent a vu le jour. Il s’est déroulé d’avril 2001 à novembre 2004 et entrait dans le 5e projet Cadre de l’Union Européenne Action clé 1 « Aliments, Nutrition et Santé ».

Question de dose

PhytoPrevent a d’abord permis de mettre au point des méthodes de mesures des PE dans le sang et l’urine et d’identifier 4 nouveaux métabolites, ce qui permettra d’évaluer plus précisément la biodisponibilité de ces composés. Les effets des isoflavones et des lignanes sur les différents stades de développement du cancer du sein et de la prostate ont été passés au crible (initiation, promotion, angiogenèse et métastase). Ces expériences de laboratoire montrent que les isoflavones et les lignanes peuvent inhiber efficacement la croissance des cellules cancéreuses mammaires et prostatiques, mais à des concentrations plus élevées que celles dans le cadre d’un régime alimentaire. Par contre, des quantités plus faibles, atteignables par l’alimentation, révèlent sur les tissus mammaires et prostatiques un effet protecteur sur l’ADN, en les protégeant des dommages causés par certains composés (comme le peroxyde d’hydrogène).

En fonction des lipides

Le potentiel anticancérigène des PE a aussi été évalué dans des modèles animaux (conventionnels et transgéniques) pour le développement du cancer du sein et de la prostate. Ainsi, chez des souris transgéniques sevrées recevant une alimentation de type occidental (riche en graisse et pauvre en calcium) avec des doses physiologiques de graines de lin, les chercheurs n’ont pas observé d’effet sur le temps de latence, mais bien une diminution du nombre de tumeurs mammaires de grande taille. Les travaux montrent également que la croissance tumorale d’animaux recevant des isoflavones est tributaire de la nature du régime : elle est nettement plus rapide lorsque les animaux ont un régime riche en lipides.

La fertilité menacée ?

L’hypothèse à la base de la moindre prévalence du cancer du sein chez les femmes asiatiques qui consomment beaucoup de soja est que ces femmes auraient une moindre exposition aux oestrogènes pendant toute leur vie. Et une des explications avancées pour en comprendre le mécanisme porte sur la capacité des isoflavones à augmenter la longueur du cycle menstruel ou à réduire les hormones ovariennes. Or, ces modifications du cycle menstruel pourraient également affecter la fertilité…
Des travaux issus du Wake Forest University Baptist Medical Center et de l’Emory University School of Medicine, présentés à la dernière réunion annuelle de l’American Society for Reproductive Medicine (Philadelphie, octobre 2004) apportent des éléments de réponse. Kaplan et ses collègues ont nourri, pendant une année, un groupe de singes dont la moitié recevait une alimentation riche en isoflavones (deux fois plus que ce qui est consommé par les femmes asiatiques). Ils constatent que ce « traitement » ne change aucune des caractéristiques du cycle menstruel, y compris la longueur du cycle, la quantité de saignements et les taux d’hormones. Des données qui, selon Kaplan, suggèrent deux choses : une alimentation riche en soja ne compromet probablement pas la fertilité, et toute protection du soja vis-à-vis du cancer du sein ne peut pas être attribuée à des modifications du cycle menstruel.

Modulation

Du côté des modèles animaux de cancer de la prostate, une lignane spécifique (l’hydroxymatairesinol) réduit de façon significative le volume des tumeurs prostatiques et augmente le niveau de l’apoptose, donc le taux de mortalité des cellules cancéreuses.

Dans une étude d’intervention humaine, dont les résultats complets ne sont pas encore connus, 63 personnes ont été réparties dans 4 groupes, selon leur niveau d’excrétion urinaire (bas ou élevé) d’isoflavones ou de lignanes. Elles ont ingéré quotidiennement soit 100 g de pain de seigle au lin (riche en lignanes), soit 3 produits de soja (riche en isoflavones), pendant 18 jours. Les résultats préliminaires indiquent une certaine modulation des paramètres de l’immunité par les isoflavones, ainsi que des effets des lignanes sur les cellules tueuses naturelles (Natural Killer cell).

Bien que toute la lumière sur les effets des PE sur la santé en générale, et les cancers du sein et de la prostate en particulier, soit loin d’être faite, les découvertes relatives aux sources alimentaires d’isoflavones et de lignanes sont un plaidoyer de plus pour accorder une place de choix aux végétaux.

Les phyto-oestrogènes dans les aliments (1)

Aliments
Isoflavones
Lignanes
Produits du soja
« Lait » de soja
« Fromage » de soja, tofu
Substituts de viande à base de soja
« Yaourt » au soja, dessert au soja
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Graines, céréales
Céréales complètes (avoine, froment)
Riz complet
Muesli
Seigle
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Légumes secs
Légumes secs (poids, haricots)
Graine de soja
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Noix, graines
Cacahuète
Noix
Noisette
Noix de cajou
Graine de lin (linette)
Graine de sésame
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Pain
Pain complet
Pain de seigle
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Autres
Baies (airelle, fraise, canneberge, myrtille)
Brocoli
Chou-fleur
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* = peu
** = moyen
*** = beaucoup
(1) D’après les données de PhytoPrevent (www.phytoprevent.org)

Nicolas Guggenbühl
Diététicien Nutritionniste




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