Les modes de vie inadaptés (sédentarité, déstructuration des repas, faible consommation de fruits et légumes…) trouvent leurs racines dans l’enfance. Mais pour résoudre le problème de l’obésité infantile, il faut prendre en compte tous les facteurs qui jalonnent la croissance d’un enfant : l’alimentation de bébé, la néophobie alimentaire, l’exercice physique ou l’influence des parents, par exemple. Enfin, il faut aussi accepter une fois pour toute le fait qu’un enfant n’est pas un adulte en miniature…
Maman, papa, l’école
Plusieurs pistes nutritionnelles suggèrent qu’il existe une alimentation « antiobésité » chez l’enfant. Premier facteur de prévention : l’allaitement. Il est de plus en plus évident que plus il est prolongé, plus il réduit le risque d’obésité. Des études récentes indiquent que la plus faible concentration en protéines du lait maternel – par rapport à un autre mode alimentaire – serait un des facteurs qui expliquent cette différence par rapport aux laits infantiles. Face à ce constat, nombreux sont aujourd’hui les producteurs de lait pour bébé qui ont « adapté » la formulation en protéines de la plupart de leurs références.
Deuxième levier d’action : l’influence parentale. Celle-ci est clairement pointée par l’OMS dans ses mesures de prévention de l’obésité chez l’enfant, par l’insistance sur les capacités d’autorégulation de l’enfant en termes d’apports nutritionnels. Un contrôle parental excessif (du type « termine ton assiette » ou « ne mange pas de chocolat ») risque d’être contreproductif en accentuant le dégoût de l’enfant pour les produits qu’on aimerait le voir consommer et, à l’inverse, en augmentant son attirance pour les produits dont on voudrait le détourner, notamment les produits les plus sucrés et les plus gras.
Cola, chocolat : stop ou encore ?
C’est ici aussi qu’intervient tout le débat sur les collations à l’école. Faut-il les interdire, comme le préconise avec ardeur l’Agence française sanitaire des aliments (Afssa) ? On ne sait pas, à l’heure actuelle, si c’est la bonne solution. Le risque de provoquer un attrait plus prononcé encore pour les produits sucrés avec leur interdiction est peut-être réel. L’Afssa estime, pour sa part, que la collation du matin à l’école, de par sa composition (lait et souvent gâteaux, biscuits, chocolat, etc.), son horaire, son caractère systématique et indifférencié, n’est pas justifiée et ne constitue pas une réponse adaptée à l’absence du petit déjeuner, observée chez une minorité d’enfants. Cette prise alimentaire serait, en France, à l’origine d’un excès calorique (de l’ordre de 4%…). Peut-être l’Afssa a-t-elle négligé le fait que si peu d’enfants ne petit-déjeunent pas le matin, nombreux sont ceux qui ne prennent pas un petit déjeuner digne de ce nom ?
Chez nous, une enquête réalisée dans la région de Gand a quand même montré que près d’un adolescent sur cinq partait à l’école le ventre vide et que seul un adolescent sur dix avalait tous les jours un petit déjeuner consistant et équilibré…
Fréquence…
Dès qu’il cesse de manger la nuit, le petit déjeuner devient certes un moment important et il est généralement admis qu’il doit couvrir près de 25 % de l’apport énergétique total journalier et des besoins en nutriments. Cependant, la littérature disponible actuellement ne donne actuellement aucun argument pour fixer le chiffre à 25 % et ne permet pas non plus de dire si ce chiffre ne peut pas être étalé sur la matinée. L’interdiction des collations sans concession va aussi à l’encontre de l’observation d’un impact positif du fractionnement alimentaire sur la moindre prévalence de l’obésité, moins chez les enfants que chez les adolescents cependant.
Cette relation a bien été étudiée chez le rat : la consommation de grandes quantités d’aliments à des horaires très éloignés les uns des autres a un effet stimulant sur la lipogenèse.
Autre constatation : certains travaux indiquent aussi qu’une concentration énergétique importante au dîner influencerait aussi l’obésité infantile, ce qui montre bien toute la complexité du contrôle de la répartition énergétique sur la journée.
…et portion
Au-delà de la nature des aliments, la quantité ingérée intervient aussi de manière capitale. L’augmentation considérable des portions de certaines catégories d’aliments est désormais clairement mise en cause dans le développement de l’obésité par l’augmentation de l’apport énergétique. C’est le cas, évidemment, dans les Fast Foods et pour de nombreux snacks, salés ou sucrés, mais plusieurs études suggèrent que les portions alimentaires auraient augmenté aussi pour les repas à domicile que pour les repas pris à l’extérieur (restaurant, cantine…).
Un bon remède à l’obésité de l’enfant notamment à revenir à des portions alimentaires plus raisonnables. Enfin, si l’augmentation de la consommation de glucides simples ajoutés chez l’enfant est certainement à mettre sur le dos des boissons sucrées et des biscuits, il faut noter aussi que les yaourts largement additionnés de pulpe de fruits sucrées et les desserts lactés, ainsi que les jus de fruits y participent activement, ce qui va certainement à l’encontre de certaines idées reçues. Une remise en question de l’industrie alimentaire à ce niveau est certainement fondamentale.
Donner l’exemple
A côté des aspects nutritionnels, il faut aussi envisager d’autres paramètres, trop souvent négligés, dans la lutte contre l’obésité infantile. Le premier d’entre eux concerne les aversions alimentaires ou néophobie de l’enfant. Ce processus est tout à fait naturel : entre 2 et 7 ans, plus de 75 % des enfants refusent de goûter spontanément les aliments qu’ils ne connaissent pas. Les légumes font ainsi souvent l’objet de rejets, mais le mode de préparation a beaucoup d’influence. Petit à petit, les enfants apprennent à dépasser leurs dégoûts sensoriels, avec la « familiarisation ». L’enfant acceptera plus volontiers de goûter un fruit ou un légume qu’il aura lui-même acheté, cuisiné ou présenté. Combien de parents ne baissent actuellement pas rapidement les bras face à ce volet capital de l’éducation sensorielle ? Rien n’est plus puissant que les effets positifs d’une exposition répétée, dans un contexte attentif et chaleureux. Les parents doivent aussi montrer l’exemple, en matière de consommation de fruits et légumes.
L’habituation (et non l’attirance, innée) au goût sucré est aussi un phénomène culturel, facilement contrôlable : les enfants ayant consommé de l’eau sucrée durant les premières années de leur vie expriment une préférence plus marquée pour le goût sucré que les enfants n’en ayant pas consommé…
Eduquer et faire bouger
L’éducation nutritionnelle est également primordiale et redoutablement efficace comme l’a très bien montré l’étude Fleurbaix Laventie Ville Santé en France : les enfants ayant reçu une éducation nutritionnelle à l’école ont non seulement réduit leurs risques de surpoids, mais aussi influencé favorablement le comportement alimentaire de leurs familles. L’éducation des enfants profite à tous !
Enfin, il est difficile de conclure sans évoquer, même rapidement, le rôle vital d’une activité physique régulière sur le maintien du poids et contre une prise de poids excessive chez l’enfant, à l’opposé de la sédentarité. Pourquoi, par exemple, ne pas augmenter le nombre d’heures d’activité physique à l’école (souvent limité à moins de deux heures par semaine), entre autres stratégies de lutte collective contre l’obésité ? Chez des enfants américains de 9 ans, la limitation du temps de télévision, vidéo ou jeux vidéo à 7 heures hebdomadaires a permis une diminution significative de plusieurs indicateurs de l’obésité, ainsi que du nombre de repas pris devant la télévision.
Autant de facteurs qui montrent bel et bien que la prévention de l’obésité ne peut être réduite à un seul marqueur de risque, mais doit être envisagée au travers d’une approche beaucoup plus globale que l’adulte.
Nicolas Rousseau
Diététicien nutritionniste
Références :
Avis de l’Afssa relatif à la collation matinale à l’école– Saisine n° 2003-SA-0281
La santé de l’adulte commence à se construire dès l’enfance – Danone Nutritopics n°30 – juin 2004