Société, culture et religions

13/10/2004
Article

Est-ce que les traditions changent aussi vite que les environnements dans la tête des gens ?

Dans la tête des gens, pas tout à fait aussi vite. La transmission des compétences culinaires change. Si les femmes sont toujours chargées de faire la cuisine, elles font plutôt à manger que faire la cuisine, pour gagner du temps. Les gens changent de façon de faire, mais pas de façon de penser, comme en témoignent les travaux de Claude Fischler, montrant par exemple que ceux qui disent que le repas est un moment convivialité, qu’il faut prendre le temps, ce sont des gens qui vivent en ville, où il y a 2 emplois dans le ménage. Les traditions ne changent pas aussi vite dans la tête des gens que leur environnement, et c’est peut-être une des causes du malaise des gens dans les environnements qui changent…

La religion ressuscitée

Lorsque l’on aborde les différences de comportement alimentaire entre les pays européens, on évoque souvent le gradient Nord-Sud. Pour l’auteur de l’Homnivore (Odile Jacob), plus que le Nord et le Sud, la religion, même si elle n’est plus pratiquée, explique pas mal de différences.

Ses travaux - qui ne portent pas sur la Belgique – montrent par exemple que dans leur rapport avec la nourriture, les Italiens, les Français et les Suisses du Sud attachent une importance particulière au partage, à la convivialité, à la qualité des produits. Ce qui se retrouve pour les catholiques, chez qui la nourriture est au centre de la liturgie. Faire à manger, c’est donner beaucoup de soi-même (ceci est ma chair, ceci est mon sang). Le repas est une communion, et la communion c’est le partage. Par exemple, pour les Italiens, bien manger, c’est manger d’une façon correcte, assis, à table, dans l’ordre qui convient (la liturgie est préservée)

Dans le protestantisme, la notion de responsabilité individuelle prime. Dans les pays qui sont traditionnellement protestants, comme les Etas-Unis et le Nord de l’Europe (Scandinavie et Angleterre), la principale préoccupation pour l’alimentation, c’est la santé, explique Claude Fischler. Et chacun est responsable de ses choix. Cette responsabilité individuelle personnelle qui consiste à tenir une « correct diet », personne, dans aucune société humaine, n’a jamais réussi à le faire, car le problème était de donner assez aux autres, pas à soi. Maintenant c’est le contraire. On charge les autres d’une responsabilité impossible !

Nicolas Guggenbühl




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