L'obésité est en passe de devenir la première cause de mortalité non accidentelle (après le tabac). C'est aussi devenu un sujet particulièrement médiatisé, et qui donne naissance à de nombreux produits de consommation : aliments, suppléments alimentaires, médicaments, régime et techniques toujours plus prometteuses, sans pour autant arriver à enrayer le phénomène. Et voilà que l'obésité spectacle débarque sur les salles de cinéma où, confortablement installé dans son fauteuil en sirotant et mâchouillant des denrées diététiquement peu correctes, le spectateur pourra contempler les méfaits de la malbouffe.
Expérience « in vivo »
Morgan Spurlock, le jeune réalisateur, va se livrer à une expérience pour le moins bizarre : il va, pendant 30 jours, se nourrir exclusivement de repas servis dans les enseignes Mac Donald's. Chaque fois qu'on lui propose l’option « Super Size » (des portions encore plus larges que celles que l'on retrouve chez nous), il se laissera tenter. Son mode opératoire lui impose de prendre obligatoirement trois repas (petit déjeuner, dîner et souper) et de goûter au moins une fois à tous les produits de la carte. Et pour être certain de se rapprocher d’un style de vie malsain (ce qui est très sain pour l’objectif du film, à savoir obtenir des résultats « médusant »), il va s’assurer de limiter fortement sa dépense énergétique, en évitant de parcourir plus de 3 km à pied par jour. À tel point que dans certains cas, il devra se rendre dans les hamburger-restaurants en taxi !
Trois médecins (un cardiologue, une endocrinologue et un généraliste) et une diététicienne sont chargés de suivre l’aventurier du « junk-food ». Un bilan de départ permet de conclure qu’il est en bonne santé et sportif. Tout ce qu’il ingère est soigneusement noté. En terme de calories, ses besoins s’élèvent à près de 2500 kcal. Or, certains jours, le calorimètre va monter jusqu’à 5000 kcal…
À pleines dents
Quand vient le premier jour, Morgan Spurlock mord dans les hamburgers avec une satisfaction non dissimulée. « Je suis en train de réaliser le rêve de tout gosse de huit ans », lâche-t-il. Mais il va déchanter rapidement, et son expérience vire progressivement au cauchemar. Fatalement, il prend du poids et son état général de dégrade : il est fatigué, déprimé, sujet à migraines. Et le pire, c’est que ça ne va un peu mieux qu’en mangeant !
Sa petite amie est tout aussi écoeurée. Il faut dire qu’elle est… chef végétarienne ! Décrivant l’évolution de l’état de son compagnon, elle va même jusqu’à préciser que « question sexe, ce n’est plus comme avant » !
Les dégâts s’accentuent progressivement, à tel point que les médecins lui recommandent, après 3 semaines, d’arrêter l’expérience. « Votre foie ressemble maintenant à du pâté », lui sert le généraliste.
En un mois, Morgan Spurlock aura ainsi pris plus de 11 kilos. Son état général se détériore, sa tension s'élève, son taux de cholestérol total passe de 165 à 230 mg/dl, il a des maux de tête récurrents, les dommages au foie sont confirmés par une augmentation drastique des enzymes hépatiques.
Animal de laboratoire
Morgan Spurlock est arrivé à ses fins, montrer la nocivité d'une alimentation excessive et exclusive de produits MC Donald's. Reste qu’en dépit des descriptions qui témoignent de situations réelles, le film – présenté comme un documentaire – relève plus de la fiction que de la science. D'abord parce cette situation ne reflète pas une alimentation simplement trop abondante et déséquilibrée telle qu'on peut la rencontrer le plus souvent, mais relève d'un véritable gavage, volontairement entrepris et associé à une réduction de la dépense énergétique.
Ce gavage volontaire est bien loin de ce que vivent les personnes confrontées à l’excès de poids, mais relève plus de l’animal de laboratoire. Qu'il s'agisse de hamburger ou de tout autre aliment, il est évident qu'en doublant ses apports caloriques et en se dépensant moins, les ravages apparaîtrons rapidement. Que ce soit dans un fast-food, dans un snack, un fritkot ou même chez-soi, avec des aliments que l'on achète dans les magasins.
Sensibiliser
Reste que le réalisateur de 33 ans met le doigt sur plusieurs ingrédients de la « malbouffe », à plusieurs niveaux : dans les écoles, où l’on voit des jeunes arriver à la cantine avec leurs tartines, pour les compléter ou les échanger avec une portion de frites, sur le problème de l’évolution de la taille des portions d'aliments (qui concerne surtout les frites et les limonades), sur la problématique des calories « bon marché » (le gras et le sucré ne coûtent pas cher, et pour quelques cent en plus, on en a beaucoup de calories en plus), sur la publicité pour les denrées alimentaires, sur l'état déplorable du niveau d'éducation alimentaire… Des ingrédients qui dépassent de loin l’association simpliste « fast-food = obésité », et qui confèrent au film un potentiel important pour sensibiliser ceux qui, a priori, ne s’intéressent pas à la nutrition.
Nicolas Guggenbühl
Diététicien Nutritionniste
* Super size Me sera à l’affiche en Belgique à partir du 22 septembre.