L'eau, la seule boisson qui soit véritablement indispensable d'un point de vue physiologique, n'apporte pas la moindre calorie, alors qu'elle occupe une place importante, en poids comme en volume. Grâce à son goût discret, elle se consomme entre et pendant les repas. Et c'est la boisson la plus polyvalente pour ce qui est de l'accord avec les mets. L'absence de composés stimulants tels que caféine et autres alcaloïdes retrouvés dans le café, le thé, les colas light… est aussi un avantage favorable à une ingestion de grands volumes : l'eau peut être consommée par tous, à tout moment de la journée, et sans restriction (sauf dans le cas de certaines eaux minérales trop chargées en sodium, en fluor…).
Parce qu'elle apporte du volume dans l'estomac, l'eau participe au déclenchement de la satiété, cet état de non-faim tant recherché lorsqu'on peut perdre du poids. Cet effet « volume » existe également pour l'air : l'incorporation d'air dans les aliments (par exemple sous forme de mousse) a un effet satiétogène supérieur à celui de l'aliment qui n'est pas été « gonflé » (1). L'eau est également un excellent diluant énergétique : elle permet de réduire fortement la densité calorique de la nourriture. Or, ces dernières années, cette notion de densité énergétique se retrouve très souvent au centre de la problématique de l'obésité. De nombreux arguments indiquent que la consommation d'aliments ayant une densité énergétique élevée (généralement riches en sucres et/ou en graisses) est plus propice à déséquilibrer le bilan énergétique qu'une alimentation de faible densité énergétique.
Magie minérale ?Certaines eaux font-elles plus maigrir que d'autres ? C'est en tout cas ce que suggèrent bien des messages publicitaires. Et comme pour la plupart des vertus attribuées aux eaux, c'est la composition minérale « particulière » qui est supposée conférer cette supériorité. Les eaux sulfatées (SO4 > 200 mg/l) favorisent l'élimination, mais il s'agit d'une élimination rénale, pas d'une élimination de la graisse (une nuance qui passe souvent inaperçue pour le grand public). Les sulfates ont un léger effet purgatif, mais celui-ci ne suffit pas à réduire l'assimilation es nutriments énergétiques. Certaines eaux peuvent contribuer de façon significative à l'apport en minéraux, comme le calcium et le magnésium, ce qui est bienvenu en cas de réductions des apports énergétiques. Mais ici aussi, bien qu'il existe certaines données en faveur d'une association inverse en l'apport calcique et le risque de surcharge pondérale, il n'existe aucune preuve montrant que le calcium exerce un effet amaigrissant. Les minéraux de l'eau peuvent donc contribuer à la couverture nutritionnelle, d'autant que dans le cas du calcium, la biodisponibilité est bonne, mais il n'y a pour l'heure pas d'argument en faveur d'un effet amaigrissant. Nicolas Guggenbühl |
La densité énergétique est aussi au coeur de certaines observations socio-économiques : le prix de la calorie est particulièrement élevé pour des aliments de faible densité énergétique (crudité, légumes, laitages et viandes maigres) que pour ceux ayant une densité énergétique élevée (confiseries, viandes grasses, aliments à forte teneur en sucre et/ou en graisses). Or, on constate clairement que l'obésité, autrefois « maladie des riches », se déplace dans les couches sociales moins favorisées, où elle fait de plus en plus de ravages. Et c'est précisément là que les aliments ayant une densité énergétique faible n'apparaissent pas comme une nécessité.
À défaut d'avoir une influence sur le choix des aliments, l'eau se présente tout de même comme une solution relativement aisée pour donner plus de volume à une alimentation où les formes concentrées d'énergie sont omniprésentes.
Malgré cela, il faut reconnaître que l'influence de l'eau sur l'apport calorique global reste peu documentée. Parmi les rares études publiées sur le sujet, l'une d'entre elles a comparé l'effet d'un plat à base de riz et de poulet (contrôle) à celui du même plat servi soit avec un verre d'eau (356 g) soit sous forme de soupe avec un volume équivalent. Les auteurs ont observé une diminution de la sensation de faim et une réduction de la quantité d'énergie ingérée lors du repas suivant uniquement avec la soupe, et pas avec le verre d'eau. Ce qui les amène à conclure que c'est plus l'eau incorporée aux aliments qui influence la satiété que celle prise sous forme de boisson. Précisons que ces observations ont été effectuées chez des femmes sveltes, et qu'elles ne peuvent être extrapolées aux obèses. L'eau n'a cependant toujours pas prouvé qu'elle conduisait spontanément à une réduction de l'apport calorique.
Quoi qu'il en soit, en cas de régime restreint en énergie, l'eau à bel et bien sa place. N'oublions pas que la réduction importante de l'apport calorique s'accompagne d'une diminution de la capacité de concentration des urines. Il a donc bien lieu de veiller, lors d'un régime hypocalorique, à assurer un apport liquidien important, une mission qui convient parfaitement à l'eau.
Nicolas Guggenbühl,
Diététicien Nutritionniste
Ref. :
Rolls BJ et al. Am J Clin Nutr. 2000 Aug;72(2):361-8
Rolls BJ et al. Am J Clin Nutr 1999;70(4):448-55.