Le calcium est sans nul doute le minéral par excellence de la croissance. Les études s’accordent même à dire aujourd’hui que fournir suffisamment de calcium avant la puberté, et donc avant le pic de masse osseuse qui survient plus tard, est une question vitale. Malheureusement, trop d’enfants, en particulier de jeunes filles, négligent les produits laitiers à cet âge de la vie.
Certains experts affirment toutefois que l’offre en calcium crée le besoin… En d’autres mots, que la quantité de calcium nécessaire pour équilibrer le bilan calcique d’un individu est tout simplement représentée par… la quantité de calcium qu’il consomme ! Ces mêmes experts relancent alors le débat de la supplémentation en calcium, selon eux, plus prometteuses, même si cela reste modeste, pour augmenter la minéralisation de l’os aux périodes critiques de la vie…
La revanche du lait
Une nouvelle étude (1) semble refuser cette évidence : les enfants qui boivent peu de produits laitiers auraient bel et bien des apports en calcium faibles et une santé osseuse défaillante. L’objectif de cette enquête américaine était d’évaluer, chez des enfants prépubères, l’impact de la consommation de lait sur le bilan calcique. Pour ce faire, le statut minéral de 50 non-buveurs de lait (30 filles, 20 garçons) âgés de 3 à 10 ans a été confronté à celui de 200 enfants du même âge, fidèles au bol de lait. Les apports alimentaires en calcium ont été estimés à l’aide d’un questionnaire de fréquence, alors que la densité minérale osseuse a été mesurée par absorptiométrie biphotonique.
Les principales raisons qui amenaient les enfants à ne pas boire de lait étaient, dans l’ordre, l’intolérance au lactose ou sucre du lait (40 %), l’inappétence pour le lait (42%) et le style de vie (probablement conditionné par les habitudes parentales, 18%).
Le lait boit du petit lait
On pouvait s’y attendre : le bilan calcique est maigre dans le groupe « antilait » (443 +/- 230 mg de calcium par jour) et peu d’enfants, parmi cette population, prenaient en contrepartie d’autres boissons riches en calcium (laits de soja enrichis, jus de fruits,…) ou de suppléments nutritionnels. Les mesures staturo-pondérales sont pires encore : par rapport aux défenseurs du lait, les « adversaires » étaient plus petits, présentaient une masse squelettique plus faible, un contenu minéral osseux total moindre et une densité minérale osseuse plus basse pour tous les sites irradiés (nuque, hanche, trochanter, épine lombaire et radius ultradistal). De toutes ces régions visitées, c’est surtout celle de l’avant-bras qui s’avérait la plus touchée. Notons que douze enfants sur cinquante (soit 24 % !) avaient déjà souffert à maintes reprises de fractures diverses.
Ces données plaident donc en faveur de la réhabilitation du lait dans l’alimentation des plus jeunes enfants (et donc auprès des jeunes parents). En présence d’une intolérance au lactose, des alternatives lactées existent : lait délactosé, fromages à pâte dure, yaourts, enzymes prêtes à l’emploi….
Le poids du calcium… sur la balance
L’importance du calcium pour la santé des futures adultes dépasse le cadre exclusif de l’ostéoporose. Ainsi, une méta-analyse récente a tenté de faire la part des choses dans ses effets supposés sur le poids corporel, en effectuant un tour d’horizon des études cliniques en la matière (2). Des données de 6 études d’observation et de trois essais contrôlés ont été compilées pour évaluer l’effet de l’apport calcique alimentaire sur le poids corporel et le tissu adipeux.. Les analyses révèlent que chez les individus d’âge moyen, plus l’apport en calcium est élevé, plus le pourcentage de tissu adipeux et l’indice de masse corporelle sont bas. De manière similaire, et dans le cas qui nous intéresse, cette relation se vérifie aussi au cours de la petite enfance mais seulement pour les réserves de graisse.
Ces études, en fonction de l’âge, ont cependant toutes un point commun : la reproduction constante de l’effet. Ainsi, chez les enfants, pour chaque augmentation de 300 mg de la consommation de calcium, on observe une réduction moyenne de 1 kg de l’adiposité. Chez l’adulte, pour ce même niveau de consommation supplémentaire, le gain sur la balance est en moyenne de 2,5 à 3 kg. En d’autres mots, par exemple, le geste qui consiste à manger (en plus !) chaque jour 1 verre de lait demi-écrémé, 2 yaourts ou 1 tranche de fromage n’aurait pas les répercussions attendues sur la balance, bien au contraire ! Faut-il y trouver dès lors un nouveau paradoxe de la nature, le « paradoxe du calcium » ?
Nicolas Rousseau
Diététicien Nutritionniste
Réf.
(1) Black RE et al. Am J Clin Nutr 2002 Sep ;76(3) : 675-80
(2) Heaney RP et al. J Am Coll Nutr 2002; 21(2): 152-155s