Mais qui sont ces aliments fonctionnels qui sifflent sur nos têtes ? Appelés improprement « alicaments », « nutraceutiques », ces denrées s’inscrivent dans une approche plus positive de l’alimentation saine : elles sont sensées apporter un « plus » pour la gestion du capital santé.
En Europe, un consensus orchestré par la branche européenne de l’ILSI (International Life Sciences Institute) a accouché d’une définition qui fait office de référence (1). Sur cette base, l’aliment fonctionnel peut être défini comme un aliment qui, par le biais d’un composant alimentaire physiologiquement actif, procure un avantage pour la santé et ce, en marge de ses caractéristiques nutritionnelles de base. L’avantage pour la santé concerne le bien-être ainsi que la réduction du risque de maladie.
Le naturel n’a pas à rougir
Parmi les définitions qui circulent, certaines stipulent qu’un aliment ne peut qu’être rendu fonctionnel par intervention (ajout, technologie…), ce qui ne constitue pas un critère sélectif pour ce qui est de ses effets sur l’organisme. Fort heureusement, la définition de l’ILSI ne fait pas cette distinction entre un aliment fonctionnel par nature et un autre rendu fonctionnel.
Concrètement, le terme d’aliment fonctionnel désigne un large spectre d’aliments qui peuvent revendiquer un effet de promotion de la santé. Cela va des fruits et des légumes dans toute leur simplicité (qui n’est qu’apparente, car leur composition est d’une grande complexité) aux aliments enrichis, que ce soit par ajout de nutriments, par action sur la composition de la nourriture des animaux, ou encore aux denrées issues de modifications génétiques. Autant de moyens qui font des aliments fonctionnels un groupe immensément vaste et très hétéroclite, que ce soit par la fonction ou par l’intérêt qu’il peut présenter dans le contexte d’une alimentation « optimale ».
Aliment fonctionnel ou nutraceutique ?
« Aliments fonctionnels » et « nutraceutiques » sont souvent utilisés comme synonymes. S’il est vrai qu’ils peuvent être très proches, au point de partager le même ingrédient actif, l’aliment fonctionnel est avant tout un aliment, ce qui n’est pas le cas du nutraceutique. Ce dernier peut être défini comme un produit isolé ou purifié vendu séparément (comprimé, capsule…) et non sous forme d’aliment. C’est le cas de vitamines, minéraux, phytostérols et autres molécules bio-actives. Le nutraceutique peut être ajouté à une denrée, ce qui fait de celle-ci un aliment fonctionnel.
La génétique cherche son génie
Les modifications génétiques appliquées à la médecine et qui ont pour but de sauver des vies sont relativement bien acceptées. Il en va tout autrement lorsque cette « horticulture de l’ADN » concerne notre nourriture. Il faut reconnaître que les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) apparus jusqu’à présent dans le circuit alimentaire (soja, maïs, colza, tomate) inspirent plus d’arguments « contre » que « pour » : ils n’apportent rien de plus et ne peuvent qu’inspirer la méfiance.
Les menaces d’une emprise de quelques grands groupes sur les marchés de la production de vivres de demain contribuent probablement à l’émergence ou au développement de courants tels que le « bio », l’alimentation « éthique » et autres phénomènes de « retour aux sources » qui, sans bénéficier du moindre argument nutritionnel supplémentaire, tissent une autre toile avec la fibre environnementale.
L’actuel rejet des OGM pourrait cependant très bien évoluer vers une meilleure acceptation lorsque la nouvelle génération se présentera avec une dimension supplémentaire : un bénéfice pour la santé, au travers de molécules bio-actives telles que les caroténoïdes, les flavonoïdes, certains acides gras, des oligosaccharides, des vitamines, des minéraux et autres oligo-éléments. Un mode de production qui pourrait bien, à terme, sonner le glas d’autres techniques d’enrichissement qui passent par l’ajout de vitamines de synthèse.
La perception du consommateur
Une étude effectuée en 2001 en Flandres par l’Université de Gand (2), permet de mieux cerner la perception des aliments fonctionnels dans notre pays. Environ la moitié des personnes déclarent connaître ce terme, la publicité et les media étant la principale source. Ce sont surtout les marques de produits qui sont connues, alors que les ingrédients le sont nettement moins. Ainsi, le pourcentage de personnes déclarant avoir entendu parler mais ne pas connaître ou n’avoir jamais entendu parler dépasse 70 % pour les oméga-3, les stérols végétaux, les probiotiques. Ce score est proche de 90 % pour les polyphénols, les prébiotiques et les isoflavones.
Le caractère utile pour la santé est relativement bien accepté, pour autant que le goût soit bon. Plus de 70 % des personnes interrogées souhaitent voir mentionner les avantages pour la santé (allégations de santé) sur l’étiquette, ce qui est difficile dans le contexte législatif actuel. La forme « aliment » est préférée à celle du nutraceutique et le lieu d’achat de prédilection est le supermarché (76 %), qui se situe loin devant la pharmacie (20 %).
Enfin, l’étude montre que les consommateurs souhaitent que la promotion et la communication soient dirigées sur les connaissances et les sources jugées les plus fiables que sont les médecins et les autorités. Deux sources qui figurent en queue de peloton de la connaissance du terme « aliment fonctionnel »…
Nicolas Guggenbühl
Diététicien Nutritionniste
(1) Diplock AT, Aggett PJ, Ashwell M, Bornet F, Fern EB et Roberfroid MB; Scientific Concepts of Functional Foods in Europe, Consensus document; décembre 1998.
(2) Werbeke W. Consumentengedrag ten aanzien van functionele levensmiddelen en implicaties voor markting. In : Functionele Levensmiddelen : Quo vadis ? Ingenieurshuis – KVIV, Antwerpen, 31 mei 2001.