Au fur et à mesure que la science avance, les fruits, légumes et autres céréales nous révèlent de nouveaux arcanes qui permettent de tracer les jalons d’une alimentation centenaire.
Le cœur a la “fibre poétique”
Ainsi, le Docteur Lairon (Inserm, Université de Marseille, France) a présenté au Congrès de Nutrition et Santé une revue exhaustive de la littérature scientifique traitant de l’effet des fibres alimentaires sur les maladies cardiovasculaires (MCV). Il tire globalement deux conclusions. En premier lieu, la relation qui met en évidence un effet “cardioprotecteur” des fibres alimentaires est plus marquée pour les fibres solubles, contenues dans les fruits et les légumes. D’après lui, il faut ajouter 10 g de fibres totales (environ 100 g de pain complet) à la ration alimentaire pour réduire le risque de mortalité coronaire de près de 17%, alors qu’il suffit de consommer 3 g de fibres solubles supplémentaires (une pomme et une portion de carottes râpées, par exemple) pour porter cette réduction à 27% ! Pourtant, dans l’ensemble des pays européens, plus de 50% des fibres alimentaires consommées proviennent des céréales, qui pèsent donc proportionnellement plus lourd dans l’apport de fibres solubles par rapport aux fruits et aux légumes. Cette constatation explique peut-être pourquoi les céréales enregistrent les meilleurs effets épidémiologiques en termes de réduction du risque de MCV et stigmatise aussi la pauvreté de notre assiette en racines, tubercules, fruits et autres légumes verts.
L’aliment exprime ses “gènes”
Certains constituants de l’alimentation sont susceptibles de plonger au cœur de l’ADN en se fixant, par l’intermédiaire de protéines régulatrices spécifiques, sur des séquences caractéristiques du génome, dont ils vont réguler l’expression. Cette hypothèse est défendue par le Professeur Delzenne (UCL) qui prend pour exemple le cas de certains glucides non digestibles, largement fermentés dans le côlon : les fructanes, mieux connus sous le nom d’inuline et oligofructose. Ces nutriments sont naturellement présents dans divers aliments végétaux tels que l’artichaut, l’oignon, l’ail, le blé, la banane ou encore la racine de chicorée. On les retrouve également dans une multitude d’aliments soit en tant que prébiotiques (dans les yaourts et les laits fermentés), soit en tant que substituts de graisse (l’inuline dans certaines margarines) ou de sucre (l’oligofructose, dans certains biscuits, par exemple). Quel est l’intérêt de consommer ces sucres si particuliers ? Chez l’animal, ils sont capables de contrer l’hyperlipémie, la stéatose et l’accumulation de tissu adipeux, effet qui serait en relation avec une moindre expression du gène de la FAS (Fatty Acid Synthase) au niveau hépatique et adipocytaire. Chez l’homme en bonne santé ou atteint d’hyperlipémie, certaines études relèvent un effet hypotriglycéridémiant de ces nutriments. Si cet effet est confirmé, il ouvrira de nouvelles portes dans l’approche diététique des hypertriglycéridémies.
Fruit défendu, fruit détendu
Le professeur Kornitzer (ULB) a dressé l’état des lieux pour une pathologie très fréquente chez l’adulte et dont l’origine est en partie encore inconnue : l’hypertension. Il rappelle qu’actuellement, les chercheurs se penchent sur l’effet de divers modèles d’alimentation et plus sur des nutriments spécifiques, comme le calcium ou le potassium. Ainsi, les auteurs de l’étude randomisée DASH (pour Dietary Approaches to Stop Hypertension) insistent sur l’importance d’une approche nutritionnelle globale pour réduire l’hypertension artérielle chez l’adulte. Cette étude a comparé l’effet d’un régime témoin comportant peu de fruits, de légumes et de produits laitiers avec celui de deux régimes expérimentaux : un régime riche en fruits et en légumes et un régime combiné également riche en fruits et légumes, mais plus faible en graisses et comportant plus de produits laitiers maigres. D’après le prof. Kornitzer, les résultats de cette étude sont éloquents. Après deux semaines, la tension artérielle avait déjà diminué dans les deux groupes expérimentaux, mais de façon plus marquée avec le régime combiné. L’action de ce dernier a eu le même effet pour les sujets hypertendus qu’une pharmacothérapie légère, c’est-à-dire une réduction de 11,4 et 5,5 mm Hg respectivement pour la tension artérielle systolique diastolique. Chez les patients normotendus, la relation était également évidente, puisque l’on constatait une diminution de 3,5 et 2,1 mm Hg respectivement pour la pression artérielle systolique et la pression artérielle diastolique.
Si le fait de travailler entretient la santé, cultiver des fruits et légumes dans son jardin pour les agrémenter dans son assiette, c’est assurément la conserver !
Nicolas Rousseau
Diététicien Nutritionniste