Avec l’évolution de nos modes de vie, la soupe est quelque peu délaissée. Une des causes de ce quasi-abandon serait le manque de temps, ce qui n’est sans doute qu’à moitié vrai car il existe de délicieux potages préparés et les fabricants ont fait ces dernières années d’importants efforts pour réduire leur teneur en sel et pour proposer une variété de plus en plus large de ces délicieux breuvages.
Soupes variées, domaines divers
Les scientifiques, eux, n’ont pas lâché prise, encore moins aujourd’hui que par le passé, sans doute aussi en raison de l’intérêt que présente le potage face à l’épidémie d’obésité, de syndrome métabolique et de diabète. Et ils ont ainsi découvert à ce breuvage de nos grand-mères toute une série d’avantages plus ou moins inédits qui lui rendent une modernité à rendre jaloux nos modes alimentaires actuels. La variété des recettes possibles pour un potage se reflète dans la variété des protocoles des études qui ont été conduites ces derniers mois et dans la diversité des domaines explorés. Le mois de janvier, au cours duquel se déroule la désormais traditionnelle semaine de la soupe, est une occasion idéale pour souligner les bienfaits de cet aliment auquel on n’accorde plus assez la place qu’il mérite. Il serait intéressant de se pencher sur cette diversité mais nous ne pourrons rapporter ici que quelques-uns des aspects concernés. Nous aurions pu aborder les effets bénéfiques de la soupe sur la santé cardiovasculaire, sur la quantité d’énergie absorbée par les enfants ou sur le risque de syndrome métabolique. Nous reviendrons sans doute plus tard sur ces aspects et sur d’autres encore. A deux ou trois mois de la reprise des activités sportives après la mauvaise saison, nous avons choisi de rapporter deux études menées dans le domaine de l’exercice physique.
Bilan hydrique et performances cognitives
Neuf jeunes sportifs entraînés, d’un âge moyen de 25 ans, se sont prêtés à une évaluation de leurs performances cognitives pendant et après un exercice de pédalage d’une heure et demi à la température ambiante de 25°C, réalisé à 50% de leur VO2 max1. Trois quarts d’heure auparavant, ils avaient ingéré soit 355 ml d’eau en bouteille (volet « eau »), soit la même quantité de potage au poulet et aux nouilles (volet « soupe »). Pendant l’exercice, la même eau en bouteille était disponible ad libitum dans les deux cas. Après l’heure et demie, huit d’entre eux ont poursuivi l’effort pendant 10 minutes à 90% de leur VO2 max. Pendant la première phase de l’effort (à 50% de la VO2 max.), la prise d’eau fut légèrement (20 g) mais significativement (p < 0,03) plus importante après ingestion préalable de potage qu’après celle d’eau. Le volume d’excrétion urinaire était similaire dans les deux cas, ce qui revient à une rétention hydrique plus importante dans le volet « soupe » que dans le volet « eau ». La clearence à l’eau libre était moindre dans le groupe « soupe » que dans l’autre, ce qui pourrait expliquer la rétention hydrique globale et suggère amélioration du bilan liquidien pendant l’effort sous l’effet du potage. Malgré l’importance de l’effort, les modifications du volume plasmatique étaient moins importantes avec le potage qu’avec l’eau. Les performances physiques n’étaient pas différentes d’un volet à l’autre mais les sportifs qui avaient pris du potage commettaient moins d’erreurs sur un test de couleurs et de mots que ceux qui avaient bu de l’eau avant l’effort. La différence apparaissait aussi bien pendant l’effort qu’après celui-ci. Voilà donc des résultats qui suggèrent que le potage consommé par ces jeunes athlètes, non seulement n’altère pas la performance physique mais encore améliore le bilan hydrique et permet sans doute un meilleur jugement au cours de l’épreuve sportive. Il est donc possible que cela débouche une meilleure gestion de l’effort et sur une meilleure stratégie au cours de l’épreuve.
Maîtriser l’acidité interne
Chez les sprinters également, la soupe peut s’avérer précieuse. Elle réponde parfaitement au conseil qu’on donne à ces sportifs d’apporter un supplément de protéines à leur alimentation quotidienne. L’exercice physique intense aussi bien que le métabolisme basal sont producteurs d’ions hydrogène qui modifient le pH du milieu intérieur. Le milieu intérieur des sportifs a donc tendance à s’acidifier pendant l’exercice. Le maintien de l’homéostasie suppose la maîtrise de cette tendance par l’organisme et le rein est, avec les poumons, l’un des organes principaux de la régulation du pH du milieu intérieur. On parle de charge rénale acide potentielle (PRAL) pour estimer indirectement la quantité d’acide d’origine que le rein est censé éliminer en fonction de l’alimentation2. Les aliments ont un PRAL positif s’ils contribuent à l’acidification du milieu intérieur. Ceux qui au contraire diminuent cette acidification ont un PRAL négatif. C’est la raison pour laquelle une équipe de la Vrije Universiteit Brussel s’est intéressée en 2011 à la charge acide potentielle engendrée sur le rein par l’alimentation et à la production endogène nette d’acide chez une soixantaine d’adolescents sprinteurs (âge moyen au début de l’étude 14,7 ±1,9 ans)3. Ils ont collecté tous les six mois chez ces jeunes, pendant une durée de trois ans et on mesuré leurs caractéristiques anthropométriques. Ils ont ainsi comparé les données des athlètes qui présentaient une charge rénale acide potentielle positive à celles des participants qui avaient un PRAL négatif. Il est apparu que ces derniers consommaient plus de fruits et légumes que les premiers et que le potage contribuait au maintien d’un PRAL de faible niveau, ce qui est souhaitable.
Pour les sportifs … et les autres
On ne niera donc pas l’intérêt du potage pour les sportifs, et si l’on se souvient de l’insuffisance générale de la consommation de fruits et légumes dans notre pays, on admettra en même temps que tous les individus, et pas seulement les sportifs, ont intérêt à en consommer plus .. . tout en veillant à ne pas augmenter leur consommation de sel.
Références
Lectures complémentaires
http://ajcn.nutrition.org/content/77/5/1255.full.pdf
http://jasn.asnjournals.org/content/11/11/2155.full.pdf
http://ajcn.nutrition.org/content/68/3/576.full.pdf