La thermogenèse, chaleur produite par l'organisme, représente pratiquement la seule manière qui, indépendamment de l'activité physique, permette à l'organisme d'évacuer de l'énergie sous forme de chaleur. C'est donc une piste importante pour la recherche contre l'obésité, avec l'espoir d'aiguiller un plus grand nombre de calories ingérées et/ou stockées vers cette voie. Et c'est une voie qui, selon des chercheurs de l'Université de Maastricht, aux Pays-Bas, et de l'Université de Laval, au Québec, pourrait être exploitée par les épices (1).
Cette équipe à procédé à un examen des données disponibles qui, selon eux, créditent l'hypothèse d'un effet significatif de plusieurs épices sur la thermogenèse ou sur la balance énergétique, donc sur le poids. C'est le cas de la capsaïcine, le composé qui confère piquant et brûlant au piment. Une étude clinique japonaise aurait ainsi mis en évidence une augmentation de la thermogenèse post-prandiale de 23 % après la prise d'un petit déjeuner enrichi en capsaïcine (bon appétit !), versus le même repas sans capsaïcine.
Du côté du poivre noir, son principal composé irritant, la pipérine, agirait sur certains récepteurs vanilloïdes (TRPV1), présents à la surface des nerfs sensitifs (comme ceux de la peau ou de la langue), dans le cerveau et la moelle épinière, ce qui s'accompagnerait d'une augmentation de la production de chaleur.
Si chacun a probablement déjà constaté que le piquant provoque une sensation de chaleur, et que l'on peut effectivement faire le lien avec une augmentation de la thermogenèse, encore faut-il savoir si ce phénomène est vraiment susceptible d'avoir des répercussions sur le poids. Ce « coup de chaud » vient-il réellement s'ajouter à la dépense globale, ou est-il passager, et son impact énergétique compensé à moyen terme ?
Pour en savoir plus, une équipe australienne a mené des investigations sur la consommation régulière de chili. Vingt-deux femmes et 14 hommes âgés en moyenne de 46 ans et en léger excès de poids (BMI = 26,4) ont du consommer et pendant 4 semaines, une alimentation dans laquelle était ajouté quotidiennement un mélange de 30 g de chili (comprenant 55 % de piment de Cayenne). Au cours d'une autre période de 4 semaines, ils ont dû consommer la même alimentation, mais dépourvue de piment. Plusieurs paramètres métaboliques et vasculaires ont été mesurés au terme de chacune des périodes.
Les auteurs constatent que par rapport à la période sans piment, celle avec piment entraîne une légère réduction du rythme cardiaque et une augmentation de la perfusion du myocarde. Par contre, aucun effet n'est décelé sur les paramètres métaboliques, dont le métabolisme de base ou dépense énergétique au repos, entre les deux périodes. Il n'y a donc pas d'indication suggérant une augmentation de la quantité de calories dépensées avec l'alimentation pimentée.
Bref, si les épices bien dosées font incontestablement partie de la gastronomie et s'intègrent parfaitement dans une alimentation équilibrée, leur usage immodéré risque plus de faire perdre le bon goût que les mauvais kilos !
Nicolas Guggenbühl
Diététicien Nutritionniste
1. Westerterp-Plantenga M et al. Physiol Behav août 2006
2. Ahuja KDK et al. Eur J Clin Nutr août 2006.