Plusieurs pistes nutritionnelles peuvent faire valoir des données intéressantes dans le cadre de la prévention, voire du traitement du cancer de la prostate. C'est notamment le cas du sélénium, du lycopène de la tomate, des phyto-oestrogènes du soja et du lin. D'autres sont moins documentées, ce qui ne les empêche pas de connaître une carrière commerciale brillante. Il en va ainsi de l'extrait de shiitake, un champignon très utilisé dans la cuisine asiatique et dont l'extrait se vend au prix fort sous forme de supplément.
Internet et hôpitaux japonais
Les suppléments contenant un oligosaccharides extrait de ce champignon, le 1-3 bêta-glucan, sont largement exploités au Japon, y compris en milieu hospitalier, en tant que complément thérapeutique pour différents cancers, en particulier celui de la prostate. Le supplément est aussi commercialisé dans bien d'autres pays et la “cueillette” est facilitée par l'Internet.
Des données recueillies chez l'animal montrent que ce composé peut réduire l'activité tumorale. Certaines constatations faites auprès de patients traités dans des hôpitaux japonais rapportent des résultats encourageants, mais aucune étude sérieuse n'en a apporté la preuve décisive.
Le Dr Ralph deVere White, Directeur du Cancer center de l'Université de Californie-Davis, a été interpellé par les données encourageantes sur l'extrait de shiitake, qui présente en outre l'avantage d'être inoffensif. Son équipe a entrepris une étude clinique pilote (la première hors du Japon) visant à évaluer l'intérêt éventuel de ce supplément.
Une soixantaine de patients atteints d'un cancer de la prostate présentant, deux fois consécutives, des taux de PSA (prostate specific antigen) élevés a pris, quotidiennement et pendant six mois, trois capsules à base d'extraits de shiitake. Les participants ne recevaient aucun autre traitement contre le cancer pendant cette période. L'objectif était de suivre l'évolution du taux de PSA, pour évaluer la sévérité du cancer et déterminer si le traitement est efficace.
Le verdict d'outre-Atlantique
Les résultats, publiés récemment dans la revue Urology, sont très loin d'être favorables à l'extrait du basidiomycète. A la fin de la période d'intervention, aucun des patients n'a présenté une réponse complète au traitement (obtention d'un niveau de PSA négligeable) ni même une réponse partielle (définie par une diminution des taux de PSA de 50 % ou plus). Et pour 23 des 61 patients, l'affection a même progressé dans le mauvais sens (augmentation des taux de PSA de plus de 50 %).
Précisons que cette étude pilote ne comportait pas de groupe contrôle, ce qui aurait pourtant été nécessaire pour montrer que l'extrait ne possède aucun effet (mais difficile sur la plan éthique). Toutefois, elle indique que les espoirs thérapeutiques sont minimes et, en tout cas, très éloignés des promesses qui accompagnent ces suppléments.
Nicolas Guggenbühl
Réf.:
DeVere White RW et al. Effects of mushroom mycelium extract on the treatment of prostate cancer. Urology 2002;60(4):640-4.