Tempête dans une verre… de boisson light

10/10/2002
Article

L'aspartame, cet édulcorant virtuellement acalorique utilisé dans plusieurs milliers de produits, serait-il un véritable danger ? 
C'est en tout cas ce que pense un certain Dr Betty Martini, à l'origine d'une véritable campagne de terreur sur cet édulcorant. Un article intitulé «Aspartame, tueur silencieux», paru dans l'édition de septembre d'un magazine distribué dans les magasins dits « diététiques », en est une retombée. 
Il attribue notamment à l'aspartame la responsabilité de « l'épidémie de sclérose en plaque et de lupus systémique qui sévit ». La médecine ignore l'étiologie de ces affections, ce qui laisse la porte ouverte à bien des hypothèses. Mais les prétendus arguments scientifiques ne tiennent pas la route, d'autant que ces affections existaient déjà avant l'apparition de l'édulcorant. 
Une grande partie des méfaits attribués à l'aspartame résulterait d'une intoxication au méthanol. Selon l'article en question, « à 20 °C, l'alcool méthylique contenu dans l'aspartame se transforme en formaldéhyde ». Et cette dégradation de l'aspartame dans les boissons light livrées par palettes aux soldats américains durant l'opération « Tempête du désert », serait à l'origine du fameux syndrome de la Guerre du golfe !

Le méthanol a bon dos

En réalité, l'aspartame ne contient pas de méthanol en tant que tel. Il en génère, pour environ 10 % de son poids, lors de son métabolisme. Les autres constituants formés étant l'acide aspartique et la phénylalanine. Contrairement à ce qui est affirmé dans l'article, le méthanol ne peut donc pas se former dans des produits, même ceux qui sont stockés à plus de 20 °C. 
L'aspartame n'est ni la seule ni la principale source de méthanol : un litre de boisson contenant de l'aspartame produit environ 48 mg de méthanol, alors qu'un litre de jus de fruits ou de légumes en apporte environ 200 à 280 mg. Et dire que l'article va même jusqu'à attribuer à l'aspartame, via le méthanol qu'il génère, la cause de la rétinopathie diabétique !

Le goût de la dégradation

Très stable à l'état sec, l'aspartame se dégrade en milieu hydraté à partir de 30 °C pour former de la dicétopipérazine. Celle-ci n'est ni génotoxique ni cancérogène chez le rat et la souris. La DJA (Dose Journalière Admissible) est fixée à 7,5 mg/kg/j, sur base de la dose sans effet de 750 mg/kg/j chez le rat, divisé par un facteur de sécurité de 100. L'instabilité de l'aspartame à la chaleur explique que l'édulcorant ne peut pas être utilisé pour la cuisson. Mais même en supposant qu'une canette soit exposée à des températures élevées, cette dégradation entraînerait la perte de la saveur sucrée et rendrait une boisson « light » pratiquement inconsommable. 
D'autres effets sont attribués aux métabolites de l'aspartame. Ainsi, la phénylalanine ferait chuter la sérotonine, causant ainsi des crises maniaco-dépressives. En fait, la phénylalanine est un acide aminé largement distribué dans les protéines alimentaires que nous consommons. 
Dans un rapport publié très récemment (1), l'AFFSA précise, à propos des métabolites de l'aspartame, que « en comparaison d'autres aliments courants, l'aspartame est une source mineure de phénylalanine, d'acide aspartique et de méthanol. Ces composés ne peuvent donc pas être à l'origine d'effets nocifs pour le consommateur aux conditions normales d'emploi de cet édulcorant. » 
Le rapport montre également que la consommation d'aspartame en France se situe nettement en dessous de la DJA (fixée à 40 mg/kg/j), que ce soit chez l'adulte, chez les enfants et les adolescents ou chez les patients diabétiques ou sous restriction calorique. Mais tout cela n'empêchera pas les nouvelles rassurantes de circuler nettement moins vite que les nouvelles alarmistes !

Nicolas Guggenbühl

(1) AFSSA. Rapport de l'Agence française de la Sécurité des Aliments sur la question d'un évantuel lien entre exposition à l'aspartame et tumeurs du cerveau. Août 2002.www.afssa.fr




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