La constipation, c’est plus que ce qu’on croit. Il y a la constipation à transit normal, qui constitue probablement le trouble du transit le plus fréquent, et la constipation à transit lent, qui touche le plus souvent des femmes jeunes, fréquemment à partir de leur puberté. Dans le premier cas, comme le dit la désignation du trouble, la fréquence des selles et leur aspect sont généralement normaux. Mais le patient a le sentiment d’être constipé, il accuse des difficultés de défécation et se dit ballonné. Certains d’entre ces patients ont une capacité accrue de leur rectum à se dilater ou une diminution de la sensibilité rectal à la distension ou les deux. L’autre type de constipation est caractérisé par la rareté des mouvements intestinaux, avec une fréquence des selles inférieure à une fois par semaine. Mais de temps à autre, le besoin d’aller à la selle se fait pressant. Le patient ressent des douleurs abdominales et éventuellement d’autres symptômes abdominaux.
Sur le plan physiopathologique, cette deuxième forme de constipation peut résulter soit d’une altération de la propulsion des matières, soit d’une exagération des contractions de retardement par rapport à la normale. Rappelons en effet que dans le côlon, certaines contractions de type péristaltique se propagent à contresens, ce qui a pour effet de retarder la progression des matières. Ainsi s’explique le fait que le transit à travers le côlon dure plus longtemps qu’a travers l’intestin grêle, alors que le côlon est en réalité plus court que le grêle.
A côté de ces troubles moteurs intestinaux, il y a aussi la possibilité de troubles de fonctionnement du plancher pelvien. Il en résulte une difficulté d’évacuation des selles. Les causes de cette difficulté peuvent résider dans une mauvaise coordination musculaire (par exemple entre la musculature abdominale et la musculature pelvienne), d’une sensation perturbée de la dilatation rectale, de structures anormales (par exemple un prolapsus rectal, un rectocèle ou une intussusception rectale).
Les principaux facteurs de risque de ces difficultés, quelles qu’elles soient, sont le sexe féminin, l’âge et un faible statut socio-économique. Quoi qu’il en soit, la durée de ces troubles peut parfois être très longue et à la longue, ils entraînent presque toujours de lourdes conséquences sur la vie quotidienne, la vie sociale et la vie professionnelle des patients. Par rapport à des sujets contrôles, une enquête menée en 2011 aux USA a montré de nettes différences chez les patients constipés chroniques, pour la qualité de vie. Pour le bien-être physique, par exemple, le score de qualité de vie en rapport avec la santé était de 39,57 en cas de constipation chronique, contre 3,73 pour les sujets contrôles, la différence étant statistiquement significative (p< 0,01). Pour le bien-être mental, les scores étaient respectivement de 43,19 et 47,86 (p< 0,01). L’absentéisme était de 9,08% contre 5,2% et le présentéisme était de 29,52% contre 19,09%. Pour rappel, le présentéisme est la présence sur le lieu de travail mais avec une perte non négligeable de productivité. La consommation de soins de santé est également accrue: au cours des six mois qui ont précédé l’enquête, les personnes atteintes de constipation chronique avaient consulté en moyenne 7,73 fois un médecin, alors que les autres ne s’y étaient rendues que 5,63 fois en moyenne. C’est pour les urgences que la différence est flagrante : 0,52 fois pour la même période chez les constipés, contre 0,3 fois pour les autres. Cela fait donc presque deux fois plus souvent pour ceux qui souffrent de constipation chronique que pour les autres.
Il faut bien entendu que le médecin opère un diagnostic précis des éventuelles causes sous-jacentes et les traite de manière adéquate. La prise en charge, en plus des médicaments si nécessaires, passe par un certain nombre de mesures bien connues. Il s’agit essentiellement d’adaptation du mode de vie. On conseille par exemple la prise de plus grandes quantités de liquides, en particulier de l’eau, mais les effets de cette mesure sont peu documentés. Il n’empêche que l’absence d’effets n’est pas prouvé non plus et qu’une bonne hydratation apporte d’autres bénéfices que la simple facilitation du transit intestinal.
Bien qu’il ne soit pas rare d’observer une constipation chez des personnes qui consomment trop peu ou pas de fibres alimentaires, on ne dispose pas non plus de beaucoup d’études apportant réellement la preuve qu’une augmentation de cette consommation résolve en elle-même la constipation chronique. A vrai dire, les résultats obtenus dans les études sont contradictoires. Mais ici encore, le seul intérêt d’un apport suffisant en fibres alimentaires ne se limite pas à la constipation chronique. Quant à l’activité physique, on sait aussi que son insuffisance favorise la constipation. Au contraire, un exercice physique régulier renforce la tonicité musculaire et cela peut retentir de manière positive sur l’efficacité de la presse abdominale dans la défécation.
A ce point de vue, il faudrait sans nul doute conseiller à tous, constipés ou non, de revenir à une position plus ancestrale lors de l’exonération : surélever les pieds lorsqu’on est assis sur le vase, de manière à faciliter la manœuvre. Sakakibara et al. (Japon) on en effet montré que plus le niveau des pieds se rapprochait de celui des hanches (position accroupie), meilleur est l’alignement entre le rectum et le canal anal ce qui facilite l’évacuation.