Ceux ou celles qui sont tentés par le rêve américain feraient bien d’y réfléchir à deux fois. Aujourd’hui, près de 127 millions d’adultes américains sont en excès de poids et environ 70 millions sont obèses à sévèrement obèses. Les causes de cette « sur-en-chair » sont bien connues et font partie des clichés made in USA : des tailles de portions extra-larges, très peu de fruits et légumes, une bonne part d’aliments sucrés raffinés et riches en graisses… de la « malbouffe » à moindre frais et un taux de sédentarité élevé. Ce style de vie s’acquiert aisément par les immigrants qui constituent aujourd’hui le segment de la population américaine (11%) à la plus forte croissance. Et les premiers bourrelets apparaissent plus vite qu’on ne le pense !
Kilos et années de résidence
Une équipe de chercheurs de la Harvard University de Boston et de la Northwestern University de Chicago ont analysé une nouvelle fois ce problème d’acculturation alimentaire, qui est facilement transposable en Europe. A partir d’un échantillon de près de 32000 individus comprenant 14 % d’immigrants, ils ont pu constater une augmentation considérable du poids corporel avec les années de résidence sur le sol américain. Généralement, ces immigrants proviennent de pays ou la prévalence de l’obésité est beaucoup plus faible qu’aux Etats-Unis. Cette différence persiste près d’un an, où la prévalence de l’obésité demeure aux alentours de 8 % dans cette population. Ensuite, le poids grimpe progressivement, mais assez lentement par rapport aux autochtones, avec un rebond très spectaculaire après 10 ans de séjour dans le pays. Les auteurs de l’étude parlent ici d’un effet seuil au-delà duquel l’inflation des kilos est maximale.
15 ans pour être dans la « norme »
Après 15 ans, les immigrants approchent l’américain moyen avec une augmentation moyenne de l’indice de masse corporelle* de 1.39 kg/m2 et une proportion de surcharge pondérale de l’ordre de 38 % et d’obésité de 19 % (contre respectivement 35 et 22 % pour l’étasunien pur souche). Les auteurs de l’étude ont également observé que, en comparaison des personnes nées aux Etats-Unis, les immigrants pratiquaient beaucoup moins d’activité physique, avaient un plus faible niveau d’éducation et de plus faibles revenus et consultaient beaucoup moins souvent un professionnel pour régler leur problème de poids. Une preuve encore de l’inégalité sociale au pays de l’Oncle Sam…et qui guette aujourd’hui notre vieux continent.
Nicolas Rousseau
Diététicien nutritionniste
Référence :
Goel SM et al JAMA 2004 ; 292 :2860-2867
* IMC = poids en kilo divisé par la taille en mètre au carré