Selon une étude hollandaise récente, les habitants du plat pays qui nous ressemble n'atteignent, en moyenne, que 85 % des apports journaliers recommandés en acide folique ou vitamine B9. Ces valeurs sont probablement extrapolables à ce qui se trame chez nous. Mais en plus, il semblerait que notre organisme délaisse près d'un quart de l'acide folique présent dans les aliments, quotité qu'il ne peut absorber. Couvrir ses besoins quotidiens en acide folique via l'assiette relève-t-il de l'exploit ?
En bonne et due forme
Dans cette étude, menée en coopération avec le National Institute of Public Health and the Environment, le comportement alimentaire de 2435 personnes âgées de 20 à 65 ans a été analysé. L'apport moyen en acide folique se situait aux alentours de 250 mcg/j, soit en dessous de l'apport journalier recommandé aux Pays-Bas (300 mcg/ contre 200 mcg/j chez nous). Deux tiers de cette apport est représenté par la forme " polyglutamates ", le tiers restant sous forme de " monoglutamates ". Or, seule cette dernière est utilisable, les polyglutamates devant subir, dans l'intestin, l'action d'enzymes, les déconjugases, pour pouvoir franchir, sous forme de monoglutamates, la barrière intestinale.
Le verre à trois quart vide ?
Les chercheurs bataves se sont aussi intéressés à ce problème. De l'échantillon de départ, 180 volontaires âgés cette fois de 50 à 70 ans ont été répartis en trois groupes : chaque jour, le premier recevait une capsule de monoglutamates, le second la même quantité de polyglutamates et le dernier, un principe non actif. Après 12 semaines, ils ont comparé les concentrations d'acide folique dans le plasma et les globules rouges. Résultats : l'augmentation de l'acide folique dans le sang du groupe " polyglutamates " représentait seulement 66 % de celle obtenue dans le groupe " monoglutamates ". Partant de ce constat, ils se sont adonnés à quelques petits calculs " savants " : sur la base d'un apport quotidien de 240 mcg d'acide folique, dont 80 mcg de monoglutamates et 160 mcg de polyglutamates, la quantité totale absorbée dans le sang avoisine les 186 mcg. On est donc loin du compte !
Dette publique
On peut théoriquement s'attendre à la même observation dans notre pays, une situation épineuse, dans la mesure où l'acide folique est indispensable chez la future mère pour prévenir le risque de certaines malformations congénitales chez bébé (le Spina bifida et l'anencéphalie). Par ailleurs, en participant à la reméthylation de l'homocystéine en méthionine, la vitamine B9 est un candidat cardioprotecteur. Comment dès lors pallier une alimentation défaillante ?
En premier, en corrigeant le tir en privilégiant les aliments riches en acide folique (légumes à feuille sombre, banane, jus d'orange, céréales complètes et céréales pour petit déjeuner, ces dernières étant souvent enrichies en acide folique). Mais au vu de ses résultats, cela ne devrait pas s'avérer suffisant, car il faut déjà partir avec un découvert de 25 %…
Les nouveaux riches
La deuxième option, la plus crédible pour la grossesse (les apports journaliers recommandés sont doublés) prend la voie de l'enrichissement en acide folique des produits céréaliers, voire de la supplémentation. Si de nombreux pays, dont la Belgique, autorisent l'enrichissement en acide folique des aliments (ex. les céréales petit déjeuner), celui-ci est purement et simplement interdit en Hollande. Allez comprendre pourquoi…
Pourtant, la piste de l'enrichissement s'avère rémunératrice. Aux Etats-Unis et au Canada, bon nombre de produits céréaliers sont systématiquement enrichis en acide folique, de manière à assurer un apport suffisant à toute femme en âge de procréer. Récemment, une étude canadienne a montré que cet enrichissement a permis de réduire de 50 % la prévalence des malformations liées à un défaut de fermeture du tube neural...
Nicolas Rousseau
Diététicien Nutritionniste
Réf:
Thèse du Dr Alida Melse-Boonstra, Wageningen Centre for Food Sciences and Wageningen University.
Plus d'infos : news@nwo.nl