La taurine est devenue la star de bien des « smart-drinks », ces boissons dites « énergisantes ». Elle doit son nom à sa découverte dans la vésicule biliaire d'un taureau (elle fait partie des sels biliaires). Cet acide aminé n'est pas indispensable, sauf dans certaines conditions, par exemple chez le nouveau-né, surtout le prématuré. Le pouvoir symbolique de la taurine, parfois présentée comme de l'extrait de testicule de taureau, en prend un coup lorsque l'on apprend que ce soi-disant passeport pour nuit blanche est aussi ajouté dans les « laits » pour nourrissons !
Souplesse des vaisseaux
Il n'empêche que la taurine pourrait présenter un certain intérêt chez l'homme. Des travaux menés essentiellement chez le rat lui attribuent des effets hépatoprotecteurs, ce qui ne fait pas pour autant du Red Bull-vodka un cocktail santé ! Récemment, une équipe britannique s'est intéressée à l'effet d'une supplémentation en taurine sur la vasodilatation dépendant de l'endothélium (VDE), une fonction qui est altérée chez les fumeurs en bonne santé et les personnes dyslipidémiques atteintes d'athérosclérose. L'endothélium est la fine couche cellulaire qui recouvre l'intérieur des vaisseaux. Il joue un rôle important dans la régulation du tonus vasculaire et la prévention des thromboses. C'est cette couche qui est endommagée en premier lieu dans l'artériosclérose.
Dans l'étude dont il est ici question, un groupe de jeunes fumeurs en bonne santé a reçu quotidiennement un supplément de taurine ou de vitamine C. Après un « washout » (période pendant laquelle es sujets de l'étude ne reçoivent rien) de 2 semaines, les deux groupes de participants ont inversé le supplément (vitamine C ou taurine). Les mesures effectuées avant intervention ont été comparées à celles d'un groupe de non-fumeurs. Elles montrent que la VDE est significativement altérée chez les fumeurs : le diamètre restait pratiquement inchangé après la pose du garrot, alors qu'il était presque doublé chez les non-fumeurs. Par contre, après la supplémentation en taurine, les auteurs ont constaté que la VDE des fumeurs est devenue tout à fait comparable à celle des non-fumeurs. La vitamine C donnait aussi une amélioration, mais moins spectaculaire.
Le poisson aussi !
Cette observation semble trouver son explication dans un autre constat : après la supplémentation en taurine, les niveaux de monoxyde d'azote (NO) et de la cytokine endothéline-1 (ET-1), deux molécules naturelles produites par l'endothélium et qui interviennent dans la régulation du tonus des artères, deviennent comparables à ceux des non-fumeurs. Bref, ces données suggèrent que la taurine permet aux vaisseaux des fumeurs de retrouver la « souplesse » des vaisseaux des non-fumeurs. Elles ne constituent cependant pas un alibi pour fumer, sous prétexte que l'on boit une boisson à la taurine. D'autant que ces boissons n'ont pas l'apanage des sources de taurine : cet acide aminé est largement répandu dans les aliments contenant des protéines animales, surtout le poisson. Ainsi, la quantité de taurine utilisée dans cette étude (1,5 g) correspond à ce que l'on retrouve dans 100 g de poisson…
Nicolas Guggenbühl
Réf. :
Fennessy FM et al. Taurine and Vitamin C Modify Monocyte and Endothelial Dysfunction in Young Smokers. Circulation, vol 107, 28 janvier 2003 (via accès rapide 6-01-03)